Bulletin Numismatique n°239 24 Dans la prochaine Live Auction du 5 mars 2024, un statère de Cyrénaïque a retenu notre attention. Faut-il rappeler que les ouvrages sont au moins aussi importants que les monnaies. Que si nous n’avions pas pu consulter l’ouvrage de L. Naville, nous n’aurions jamais pu découvrir que nous étions en possession de l’exemplaire unique (n° 78) de sa publication qui dans son classement, inaugure la période qui suit la mort d’Alexandre le Grand en 323 avant J.-C., avec l’installation d’Ophellas comme satrape pour Chairis (magistrat?) qui précède Polianthès. CYRÉNAÏQUE - CYRÈNE - SATRAPE PTOLÉMÉE (323-306 avant J.-C.) Cyrène, ville portuaire située en Cyrénaïque, fut fondée par des colons doriens venant de l'île de Théra vers 630 avant J.- C. Ils avaient à leur tête Battus, ancêtre mythique des Battides qui régnèrent deux siècles sur Cyrène. La ville était réputée pour la culture et la récolte du silphium, l'une des plantes médicinales les plus recherchées de l'antiquité, aujourd'hui disparue. La cité, bien qu'indépendante, était dans l'orbite égyptienne. Lorsque Alexandre s'empara de l'Égypte en 332/331 avant J.-C., il signa un traité de paix avec Cyrène lui garantissant une autonomie relative. Après la mort du conquérant, la région de Cyrène tomba sous la domination lagide. En 322 avant J.-C., les Cyrénéens firent appel à Ptolémée pour les débarrasser du tyran Tibron. Le satrape envoya son général Ophellas qui conquit le pays, mit le tyran à mort et s'installa comme stratège à Cyrène. Ophellas fut à son tour renversé en 313 avant J.-C. Ptolémée récupéra Cyrène en 308 avant J.-C. et y installa son gendre Magas (308-277 AC.) Statère d’or décalitre, 323-313 avant J.-C. (Or 8,62 g 19 mm, 12h) A/ ΚΥΡΑΝΑΙ-ΟΝ (de Cyrène) Quadrige au pas passant à droite, conduit par un aurige, vêtu du chiton ; au-dessus un disque solaire. R/ ΞΑΙΡΙΟ (Chairis) Zeus Ammon (Lycaios) assis à gauche tenant un aigle de la main droite et reposant le bras gauche sur le dossier de son trône ; dans le champ, à droite, un thymiatérion. Naville, p. 41, n° 78, pl. III (cet exemplaire) Cet exemplaire est illustré dans l’ouvrage de Lucien Naville, Les monnaies d’or de la Cyrénaïque (450 à 250 avant J.-C. Contribution à l’étude des monnaies grecques antiques, Genève 1951. Bel exemplaire, centré des deux côtés sur un flan court. Joli revers, bien venu à la frappe. Quadrige avec des faiblesses. Patine de collection ancienne. RRR TTB+ 3 000€/ 6 000€ Cet exemplaire provient de la collection de Lucien Naville (1881-1956), organisateur des ventes Ars Classica (IXVIII) entre 1921 et 1938 dont la fameuse collection du Docteur Pozzi. Au droit, le quadrige n'est pas sans rappeler les statères d'or de Philippe II de Macédoine frappés entre 356 et 294 avant J.-C. Le revers est peut-être inspiré par le Baaltars de Tarse ou bien par le monnayage d'argent d'Alexandre III le Grand qui représente Zeus Olympios. Le Zeus représenté sur ce statère est certainement celui dont Alexandre visita l'oracle en 332 avant J.-C. Le thymiaterion placé devant Zeus est un brûle-parfum. Lucien Naville en 1951 avait publié le catalogue de ce monnayage. Pour ce type, il avait recensé au total 82 exemplaires pour dix-neuf combinaisons avec quatre coins de droit et dix-sept coins de revers. Avec notre combinaison de coin nous avons un coin de droit et un coin de revers pour un unique exemplaire qui débute la série. Afin de rendre à L. Naville toute la place qu’il mérite, nous ne pouvons résister à vous retranscrire la description qu’il donnait de sa pièce dans son ouvrage : « A/ Quadrige au galop, de trois quarts à d., conduit par un aurige vêtu du chiton à longues manches, tenant les guides des deux mains et un aiguillon de la d. ; roue à quatre rais, au-dessus de laquelle on voit les queues des deux premiers chevaux. Derrière, cir., de haut en bas, [KYR]. Ligne d’exergue. Cercle linéaire R/ Lycaios lauré, les cheveux longs, l’himation abaissé jusqu’à la ceinture, le torse nu, assis demi à g. sur un trône très orné. Il a la jambe d. en retrait. Il tient sur sa main d. ouverte un aigle à g. les ailes repliées, qui tourne la tête en arrière. Son bras g. repose sur la tablette du dossier. A g. un thymiatérion à cinq plateaux coiffé d’un éteignoir. A d., de haut en bas [XAIR]. » Arrivé au terme de cette présentation, nous sommes très heureux d’avoir pu établir ce lien qui rattache une monnaie très rare à son premier propriétaire qui l’a mis en valeur dans son ouvrage et de présenter près de soixante-dix ans après sa disparition, son exemplaire, à nouveau à la vente en lui restituant une partie de son identité, peu de chose, en regard de l’ancienneté de la pièce vieille elle, de plus de 2300 ans ! Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT STATÈRE DE CYRÈNE PROVENANT DE LA COLLECTION L. NAVILLE ELDORADO DE L’ANTIQUITÉ !
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