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Bulletin Numismatique n°238 50 Dans les premiers temps de la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012), son ministre de l’Éducation nationale d’alors, Xavier Darcos, aujourd’hui académicien et chancelier de l’Institut de France quai de Conti, fut interpellé à l’Assemblée nationale dans le cadre des « questions au Gouvernement ». L’interpellation était la suivante : pourquoi divers manuels scolaires indiquent-ils que la libération du territoire français métropolitain, occupé par l’Allemagne nazie depuis juin 1940, débuta le 6 juin 1944 en Normandie (Le jour le plus long) alors que cette libération commença dès septembre 1943 par la Corse ? Certes, la Corse n’est pas comprise géographiquement dans l’Hexagone dans lequel est inscrite la France continentale1, elle fait néanmoins partie de ce que l’on appelle couramment « la métropole », cette dernière étant différenciée de l’Outre-Mer et de ses populations appelées « Ultramarines ». Xavier Darcos ne put que reconnaître la fausseté de l’affirmation de ces manuels scolaires et admettre qu’il fallait les corriger en faveur de la Corse. Il conviendrait aujourd’hui de vérifier si cette correction a bien été effectuée. La libération de la France métropolitaine, après celle de l’Afrique du Nord (AFN : Algérie, Tunisie, Maroc) qui eut lieu en novembre 1942, et celle de plusieurs territoires d’Outre-Mer en 1940-1941, se déroula ainsi en 3 phases : • septembre-octobre 1943 : libération de la Corse par l’armée française • 6 juin 1944 : débarquement en Normandie des Alliés au sein desquels la 2e DB française (Leclerc) qui participa à la libération de Paris le 25 août • 15 août 1944 : débarquement en Provence de la 1re Armée du général de Lattre de Tassigny. L’ensemble du territoire métropolitain fut alors progressivement libéré pendant l’automne et l’hiver 1944-1945 à l’exception de quelques « poches » (Royan par exemple) libérées tardivement au printemps 1945. La médaille ci-après (fig.1) commémore la libération de la Corse de façon intéressante. En voici la description : A/ Écusson à tête de Maure2 d’où sort une main brandissant un flambeau ; au-dessous un cartouche montrant l’inscription : LIBERATION DE LA CORSE. Tout autour la légende : NEUF SEPTEMBRE 1943 DIX OCTOBRE. Ces dates diffèrent un peu de celles données par le Dictionnaire Encyclopédique d’Histoire de Michel Mourre (tome I, 1997, pp.1436-1438) qui indique 12 septembre-4 octobre 1943. La période inscrite sur la présente médaille est donc un peu plus longue. Rappelons que la Corse fut libérée exclusivement par des troupes françaises venues d’A. F. N., à la différence du débarquement en Normandie du 6 juin 1944. R/ Anépigraphe. Une femme à demi-nue, coiffée d’un bonnet phrygien (la France républicaine) tient dans la main droite un glaive et brandit de la main gauche une chaîne brisée : c’est le symbole de la Libération. Cette femme est enveloppée d’un grand drap flottant qui a pris la forme générale de la Corse : uniformité de la plaine orientale, côte occidentale découpée montrant plusieurs golfes dont ceux d’Ajaccio, de Lava et de 1 Les Corses disent souvent « le continent » pour l’Hexagone. 2 La tête de Maure est l’emblème de la Corse. Elle figure dans ses armoiries. Propriano. Cette femme s’appuie sur un piédestal correspondant à la falaise de Bonifacio ; son bras gauche tendu, brandissant la chaîne brisée, constitue géographiquement le Cap Corse, habilement restitué par le graveur (inconnu). Le nombre d’exemplaires frappés de cette médaille nous est également inconnu. Elle n’est pas signalée dans l’ouvrage du R. P. Doazan consacré à la numismatique corse (Ajaccio, 1993). QUELQUES REMARQUES HISTORIQUES Occupée pendant plusieurs siècles par les Génois, la Corse fut acquise auprès de ces derniers par la France (convention de Compiègne 1764 et traité de Versailles 1768). Elle s’était alors organisée en république indépendante sous la direction du général Pascal Paoli (1755-1769) originaire de Corte au centre de l’île. Auparavant, la Corse avait connu en 1736 une expérience monarchique avec le baron allemand Théodore de Neuhof dit « le roi Théodore », personnage quelque peu folklorique. Sur le plan politique, la Corse de Paoli, homme des Lumières et ami des philosophes français, franc-maçon, était en avance sur son temps, disposant déjà d’une Constitution écrite, la première en Europe, précédant la France et les EtatsUnis. Durant sa gouvernance, Paoli battit monnaie, d’abord à Murato proche de Bastia puis à Corte. Toutes ses monnaies, frappées exclusivement en billon, montrent la tête de Maure, emblème de la Corse, à l’exception de la dernière au millésime 17683 : celle-ci est anépigraphe et montre le chapeau de la Liberté4, cri d’espérance exprimé par Paoli au moment où l’armée française est en train de vaincre la sienne. Une émission monétaire antérieure avait eu lieu en 1736 sous le règne de Théodore. L’armée corse de Pascal Paoli fut vaincue par l’armée française le 9 mai 1769 à Pontenovo (écrit aussi Pontenuovo). Napoléon Bonaparte naquit à Ajaccio le 15 août 1769. Son extraordinaire épopée qui le conduisit à devenir le premier Empereur des Français consacra l’adhésion des Corses au rattachement à la France. De fait, le patriotisme profond des Corses se manifesta durant toute l’occupation de 1940-1944. Non seulement les Corses résistèrent aux avances de Mussolini, le dictateur italien, qui prétendait alors rattacher la Corse à l’Italie, mais ils participèrent activement à la Résistance et à l’épopée de la France Libre, comptant parmi eux de nombreux Compagnons de la Libération et aucun « Laval corse ». Christian CHARLET 3 Peut-être frappée au printemps 1769 selon le R. P. Doazan. 4 (Fig.2) : voir mon article de décembre 2017 dans les Cahiers numismatiques n°214, pp.31-34. UNE MÉDAILLE DE LA LIBÉRATION DE LA CORSE EN 1943

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