Bulletin Numismatique n°237 30 alors Portien) et la baronnie de Moncornet en Ardenne, avec son imposante forteresse, terres enclavées dans le duché de Rethel. Le 12 août 1611, il achète à sa cousine germaine la princesse de Château-Regnault, Louis-Marguerite de Lorraine-Guise, princesse de Conty, la colline appelée « Motte du Châtelet » située en face de Charleville, de l’autre côté de la Meuse : il en fera son Mont Olympe et y construira une forteresse destinée à la défense de sa ville nouvelle (démantelée par Louis XIII en 1639). Surtout, il a besoin de ressources pour hâter la construction de celle-ci. À cette fin, il taxe les villes de son duché de Rethel en les obligeant à prendre en charge les frais de construction des logements et autres immeubles. C’est ici que le choix de Pierre Esberard comme associé de Nicolas Marteau prend toute sa signification9. En effet, le même jour où Charles de Gonzague accorde à Pierre Esberard et Nicolas Marteau le bail de la Monnaie, il révoque un bail accordé à Marc Collioux et Charles-Emmanuel Lissaint par lequel il leur avait accordé l’autorisation de créer en principauté d’Arches une entreprise de verrerie, ces derniers n’ayant pas donné satisfaction. Il les remplace purement et simplement par Pierre Esberard, marchand bourgeois de Paris qu’il connaissait. E. Baudson, de tous les auteurs ayant écrit sur Charleville, fut celui qui évoqua le mieux l’importance que Charles de Gonzague réservait à l’installation d’une entreprise de verrerie dans sa ville nouvelle10. Citons-le : « Suivant l’exemple de son père à Nevers, une des premières préoccupations du duc fut d’introduire la verrerie dans sa nouvelle capitale. Il connaissait trop bien Venise et le succès de ses célèbres verreries pour négliger une industrie qui pouvait, croyait-il, s’installer sans trop de difficultés à propos de la forêt des Ardennes. Aussi, à peine venait-il de décider la fondation de Charleville, le 10 juin 1606, avant même qu’il eût décidé de lui donner son nom, qu’il accordait à Paul-Baptiste Padous Barthéoloma Colonne l’autorisation d’établir un four de verrerie dans son village d’Arches... L’échec de ces deux Italiens entraîna leur remplacement par Collioux et Lissain puis, le 22 août 1612 celui de ces derniers par Pierre Esberard. Le bail fut accordé à P. Esberard pour une durée de 20 ans, puis renouvelé. Cet entrepreneur devait « faire des verres à la façon de Venise » et il était spécifié qu’il ne s’agissait pas de « verres communs mais de verres fins de bon cristal raffiné et verres à miroirs ». Le but était d’obtenir une production d’articles de luxe à forte valeur ajoutée, activité très intéressante pour Charleville sur le plan économique. Cette verrerie prospérera pendant plusieurs dizaines d’années, Charles de Gonzague ayant obtenu de Louis XIII, le 16 octobre 1612, une 9 Outre la taxation, Charles de Gonzague encourage l’implantation d’entreprises. 10 BAUDSON 1947, pp.27-29 et 31. « exemption de tous droits et impositions pour toutes les marchandises manufacturées et fabriquée à Charleville ». figure 2 figure 3 Comme on le voit, l’entreprise de verrerie, par l’ampleur des profits qui en étaient attendus en vue de financer en partie la construction de la ville nouvelle, était plus importante que la Monnaie. De ce fait, ce n’est pas Nicolas Marteau, second graveur de la Monnaie après Nicolas Briot, qui chassa les Briot, père et fils, de la Monnaie de Charleville mais Pierre Esberard dont Nicolas Marteau était l’associé. Le talent de Nicolas Marteau était réel et il le prouvera de 1619 à 1621 à la Monnaie de l’évêque de Verdun implantée au château de Mangiennes. C’est pourquoi la différence entre les monnaies gravées par Nicolas Briot (fig. 2 et 3) et celles gravées par Nicolas Marteau (fig. 4 et 5) est difficilement perceptible. Jusqu’à présent, elle avait échappé à tous les auteurs, de Poey d’Avant (1862) à de Mey (1985). Si Esberard conserva le bail de la verrerie de Charleville pendant plus de 30 ans, en revanche la Monnaie fut obligée de fermer début 1615 suite à l’ordonnance de décri des monnaies étrangères en France proclamée par la régente Marie de Médicis au nom de Louis XIII le 5 décembre 1614. Sa réouverture attendra quelque 10 ans. figure 4 QUAND UN MARTEAU CHASSE LES BRIOT DE LA MONNAIE D’ARCHES-CHARLEVILLE EN 1612
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