Bulletin Numismatique n°237 29 prince souverain d’Arches-sur-Meuse, annonce sans préavis la fondation d’une ville nouvelle dans cette principauté. Le 23 avril 1608 il lui donne le nom de Charleville, c’est-à-dire le sien. Entre-temps, il a accordé le 22 septembre 1607 à Didier Briot, auquel son fils Nicolas est associé, un bail monétaire pluriannuel complété par une ordonnance monétaire du 14 janvier 1608. Les premières espèces sortent de la Monnaie d’Arches ainsi instituée au millésime 1607 et elles sont suivies d’une somptueuse série, due au talent de Nicolas Briot, en 1608 : la double pistole d’or, unique, en témoigne (fig. 1). Cette série est modifiée en 1610, après l’attribution du second bail aux Briot, celui du 14 février. Les monnaies imitées des espèces françaises disparaissent (quart d’écu d’argent, pièce de six blancs de billon, raréfaction du double tournois de cuivre et disparition du denier tournois) en même temps qu’apparaît une série de monnaies d’argent à l’aigle couronné, imitées de l’Empire : florin d’argent de XXX (30) sols, demiflorin de XV (15) sols, tiers de florin de X (10) sols. Ces changements dénotent une volonté de ménager le roi de France qui n’avait peut-être pas apprécié les imitations de monnaies françaises6. Le nouveau bail du 14 février 1610 accordé aux Briot était limité à une période de deux ans ; il devait prendre fin le 31 mars 1612. À cette date, la ferme et maîtrise de la Monnaie d’Arches-Charleville est remise aux enchères. Les Briot naturellement se portent candidats mais ils se retrouvent en concurrence avec l’orfèvre et graveur de Charleville Nicolas Marteau qui assistait depuis 1609 Nicolas Briot dans ses fonctions de graveur, l’intéressé étant par ailleurs très pris par les mêmes fonctions à Paris et à Nancy. Marteau l’emporte alors sur les Briot grâce à une enchère supérieure de 200 livres. Il déclare alors avoir enchéri pour le compte de Pierre Esberard, bourgeois de Paris. Nous verrons plus loin ce que cache cette association. Le nouveau bail, consécutif à cette enchère gagnante de Nicolas Marteau et Pierre Esberard est signé à Paris le 22 août 1612, en l’étude des notaires au Châtelet Pierre Guillard et Mathieu Bontemps. Outre les deux notaires, les deux autres signataires sont le prince Charles de Gonzague de Clèves et Pierre Esberard, Nicolas Marteau étant absent. Esberard se porte fort pour N. Marteau et accepte le bail pour ce dernier en promettant de le faire ratifier par celui-ci au plus tôt. Ce sera chose faite le lendemain 23 août par un acte additionnel à celui de la veille, passé entre Pierre Esberard et Nicolas Marteau devant les mêmes notaires. A l’occasion de cette ratification, Marteau se porte caution pour Esberard. Le lecteur trouvera en annexe des éléments du bail. En voici, en résumé, les principales dispositions : 6 Ainsi, le décembre 1611, lorsque Charles de Gonzague informe Louis XIII qu’il compte modifier la légende de ses monnaies, le roi lui répond que cela lui est égal à condition que ses monnaies carolopolitaines ne circulent pas en France. La nouvelle légende apparaîtra en 1613 en la quasiabsence de frappe en 1612 du fait du changement de bail. 1° - La durée du bail est fixée à six ans, commençant le 1er octobre 1612 (cette durée ne pourra être respectée pour cause de fermeture de la Monnaie en 1615). 2° - Le montant annuel de la ferme de la Monnaie est fixé à 1300 livres tournois (1000 payables en deux fois 500 + 300). 3° - Le bénéficiaire Nicolas Marteau, marchand orfèvre et graveur de la Monnaie d’Arches-Charleville, pourra fabriquer toutes sortes d’espèces d’or, d’argent, de billon et de cuivre, tant grandes que petites, telles qui se forgent dans les Monnaies du royaume de France qu’aux Pays-Bas et dans les terres circonvoisines. Il pourra frapper aux mêmes titres et alliages, conformément en deniers qui ont cours dans la souveraineté d’Arches7. 4° - Le bénéficiaire Marteau pourra également frapper des jetons, des pièces de plaisir, des médailles d’or, d’argent et de cuivre. 5° - Le bénéficiaire Marteau travaillera au même titre, poids et remède que son prédécesseur Didier Briot, avec une limitation de la quantité autorisée de monnaie de cuivre (liard), réduite à l’équivalent de 3000 livres par an (le double tournois et le denier tournois en sont plus frappés). 6° - Le bénéficiaire Marteau assumera l’ensemble des frais de fonctionnement de la Monnaie d’Arches-Charleville. On peut penser qu’à cette date elle est installée, sans doute depuis 1610, dans deux pavillons situés aujourd’hui aux nos 4547 et 49-51 de la rue du Moulin8. Le 23 août, Nicolas Marteau ne se contente pas de ratifier le bail accordé la veille à Pierre Esberard par Charles de Gonzague. Il signe, toujours devant les mêmes notaires, un contrat avec son associé Pierre Esberard par lequel il abandonne à celui-ci tout le profit attendu de l’exploitation de la Monnaie en échange d’une rémunération de 450 livres tournois par an. En échange de cette rémunération, N. Marteau assurera la maîtrise de la Monnaie, fera graver les piles et trousseaux, les carrés et les poinçons d’effigie, etc. et son service devra être assuré à temps complet sans aucune distraction ailleurs. POURQUOI LES BRIOT ONT-ILS ÉTÉ ÉVINCÉS AU PROFIT DE MARTEAU ET ESBERARD ? Apparemment aucun reproche ne pouvait être fait aux Briot, même si Nicolas Briot, pris par ses autres activités à Paris et à Nancy, avait dû déléguer à Nicolas Marteau la gravure de certaines espèces, celle des liards de cuivre notamment. En fait, l’éviction des Briot correspond à l’évolution de la ville nouvelle voulue par Charles de Gonzague. Dès 1607, il affirme son droit régalien de battre monnaie, attribut essentiel de la souveraineté en même temps que le doit de rendre la justice et celui de lever l’impôt. Le 8 mars 1606, il acquiert la principauté de Château-Porcien (écrit 7 Conformément aux ordonnances fixant le cours des monnaies en principauté d’Arches. 8 SARTELET 1997, p. 95. QUAND UN MARTEAU CHASSE LES BRIOT DE LA MONNAIE D’ARCHES-CHARLEVILLE EN 1612
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