Bulletin Numismatique n°236 24 LYSIMAQUE, UN TÉTRADRACHME D’ALEXANDRE DIVINISÉ Dans la LIVE AUCTION du 5 décembre 2023, un tétradrachme de Lysimaque, présentant la tête divinisée d’Alexandre le Grand sous les traits du dieu Zeus Amon a retenu notre attention et nous a donné envie de vous conter son histoire. Lysimaque, né vers 360 avant J.-C. était l’un des principaux généraux d’Alexandre. Après la mort du conquérant le 14 juin 323 avant J.-C., un combat fratricide opposa les Diadoques, ses successeurs. Lysimaque, d’abord favorable à la survie de l’Empire, soutient Antipater avant de devenir indépendant en 315 avant J.-C., recevant l’administration de la Thrace. En 306 avant J.-C., après la bataille navale de Salamine de Chypre, Lysimaque, imitant Antigone le Borgne, son ennemi irréductible, prend le titre de roi (Basileos), tous deux suivis par Démétrius, Ptolémée, Séleucus et Cassandre. Allié à Ptolémée, ils écrasent Antigone qui meurt à la bataille d’Ipsos en 301 avant J.-C. C’est la naissance du royaume de Thrace et le début du monnayage personnel de Lysimaque. Il doit lutter contre Démétrius en Macédoine et en Thrace. Après 288 avant J.-C., il reste le plus puissant des monarques régnant sur l’Europe et l’Asie Mineure. Lysimaque, âgé de 80 ans, trouve la mort à la bataille de Couroupédion, en 281 avant J.-C Notre tétradrachme, frappé sous le règne personnel de Lysimaque qui débute après qu’il ait reçu le titre de Basileos, ne commence pas avant 297/6 avant J.-C. pour la plupart des ateliers. Parium, cité de Mysie, située en Propontide, entre Lampsaque et Priapus, sur la côte mysienne, fondée en 710 avant J.-C. était un port florissant et réputé. Cependant, Parium ne commencerait à monnayer pour Lysimaque qu’à partir de 287-286 avant J.-C. Et ce jusqu’à la mort du monarque, bien que possédant un monnayage posthume au nom et au type de Lysimaque. THRACE - ROYAUME DE THRACE – LYSIMAQUE (323-305-281 avant J.-C.) Monnayage au nom et au type de Lysimaque (297-281 avant J.-C.) Tétradrachme, Parium Mysie, 287/6-282/1 avant J.-C. (Ar 16,99 g, Ø 29 mm, 1h) (poids théorique 17,28 g, valeur 4 rachmes). A/ Anépigraphe. Tête imberbe d’Alexandre le Grand sous les traits de Zeus Amon, cornu et diadémé à droite. R/ BASILEWS/ LUSIMACOU/ (PAR) (Βσιλεσ Λυσιμαχου), (du roi Lysimaque). Athéna nicéphore assise à gauche sur un trône, tenant une petite Niké de la main droite qui couronne le nom de Lysimaque et le coude gauche reposant sur un bouclier orné d’un masque de lion ; à l’exergue, un autel et un serpent. H. Seyrig, Parion au 3e siècle avant notre ère, ANS, Centenial Publication, p. 607, n° 6 et 8 var., pl. XL - M. Thompson, The Mints of Lysimacus, Oxford, 1968, p. 180, cf. n ° 233235 var. – cf. HGCS 3.2/ 1750n. Superbe exemplaire sur un flan idéalement centré des deux côtés. Très beau portrait au droit, de haut relief. Revers bien détaillé. Patine grise de collection ancienne. SPL 1 400€/2 800€ Même coin de droit que l’exemplaire n° 233, pl. 22 de l’article de M. Thompson et même coin de droit que les trois exemplaires reproduits sur la planche XL n° 6 à 8 de l’article d’H. Seyrig. Ce type semble de la plus grande rareté associant l’autel et le serpent à l’exergue, présents normalement séparément sur les espèces. Le droit peut sembler énigmatique. Souvent, la tête d’Héraclès coiffée de la léonté (dépouille du lion de Némée) a été assimilée à celle d’Alexandre le Grand, souvent pour des raisons pécuniaires. En revanche, Lysimaque est le premier à avoir choisi le tête divinisée d’Alexandre le Grand sous les traits du dieu Zeus Amon, en souvenir de la visite du jeune roi macédonien à l’oasis de Siwa en Égypte, où il fut reconnu par le clergé comme étant l’incarnation du Dieu. Au revers, l’attribution à l’atelier de Parium ne semble plus être mise en question. En effet, sous le bras tendu d’Athéna se trouve la monogramme de la cité mysienne. La frappe de ces monnaies ne commencerait pas avant 287 avant J.-C. et la chute de Démétrius Poliorcète. Lysimaque ne récupère l’atelier de Parium qu’après la fuite de Démétrius Poliorcète en Asie Mineure en 287/286 avant J.-C. Ce tétradrachme fut frappé du vivant de Lysimaque, en respectant le classement de Margaret Thompson ou peut-être juste au moment de sa disparition. Cependant cet exemplaire n’était pas recensé par H. Seyrig ou M. Thompson au moment de la rédaction de leurs articles. Aucun exemplaire de ce type ne figurait dans le trésor d’Armenak (IGCH 1423) publié par M. Thompson (MN 31, New York, 1986) pas plus que dans le trésor de Meydancikkale (Gülnar II, Cilicie Trachée, découvert en 1980) et publié par G. Le Rider et A. Davesne. Si la variété associant à l’exergue du revers l’autel et le serpent n’est pas répertoriée dans les ouvrages de référence, notre exemplaire est bien lié par les coins de droit à l’exemplaire de New York (ANS), celui de la collection Signorelli (n° 419) et celui de la vente Egger 26, 1909 (307) et rattaché comme tel au premier groupe de Seyrig. Le catalogue du monnayage de Lysimaque reste encore à écrire afin d’avoir l’équivalent du Price pour Alexandre le Grand. Ce monnayage, souvent délaissé par les collectionneurs, préférant le « Conquérant » plutôt que l’un de ses successeurs, a trouvé ses lettres de noblesse et connaît un regain d’intérêt auprès des collectionneurs pour un monnayage riche et diversifié, souvent beaucoup plus rare et moins répandu que celui d’Alexandre ! Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT
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