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Bulletin Numismatique n°233 37 L’Armorique a malheureusement eu dernièrement les honneurs de la presse à l’occasion de la destruction d’une quarantaine de menhirs appartenant au gigantesque complexe des alignements de Carnac (Morbihan) afin de construire une surface de vente d’outils de bricolage avec la bénédiction de la DRAC sur le territoire des Vénètes ! Notre propos sera très différent puisqu’il s’agit de mettre en lumière un type très rare des Redons, Redones ou aussi Rediones, plus connu sous le vocable de statère du type de Mordelles qui sera proposé dans la Live Auction du 5 septembre prochain. Nous avons déjà, il y a peu, eu l’occasion de proposer un exemplaire de ce type (bga_735623, avec une masse de 6,40 g un diamètre de 22 millimètres et un axe des coins à 5 heures) qui n’est pas inédit, mais reste excessivement rare. Le nouvel exemplaire qui vous est proposé actuellement (bga_ 838156 avec une masse de 6,55 g, un diamètre de 21 millimètres et un axe des coins à 3 heures) présente l’avantage de se trouver dans un superbe état, parfaitement centré des deux côtés avec une tête au droit de toute beauté, quelques légères faiblesses de frappe au revers et une patine grise qui caractérise ces statères de billon de l’ensemble armoricain. Pourquoi ce type énigmatique qui n’était pas connu de Muret et Chabouillet, et donc non illustré dans l’atlas de La Tour gravé par Dardel, est-il référencé sous son appellation géographique de Mordelles (35) qui correspond aujourd’hui à une ville située à 14 kilomètres au sud-ouest de Rennes sur l’axe Rennes-Lorient dans le département de l’Ille-et-Vilaine ? Pour essayer de répondre à cette question, il nous faut remonter à l’origine du peuple Redons et à son apparition au cours du récit de Jules César (100-44 a. C.) de Bello Gallico (La guerre des Gaules). Les Redons occupaient la partie orientale de l’Armorique, correspondant à l’actuel département d’Ille-et-Vilaine. Ils avaient pour voisins les Coriosolites, les Namnètes, les Unelles et les Aulerques. Ils auraient possédé un débouché sur la mer, au niveau de la baie du Mont-Saint-Michel. Leur patronyme se retrouve dans les villes de Redon et de Rennes (Condate). Ils ont fait partie de la coalition de 57 avant J.-C., qui se déroba au combat, et furent soumis par Crassus. L’année suivante, les émissaires romains furent faits prisonniers, ce qui obligea César à intervenir en Armorique afin de soumettre les tribus révoltées, avant de passer en Bretagne, l’année suivante, pour punir les tribus d’Outre-Manche qui avaient apporté leur soutien aux Armoricains. En 52 avant J.-C., à la demande de Vercingétorix, ils fournirent un contingent pour l’armée de secours ; celle-ci, d’après César, comprenait vingt mille hommes pour l’ensemble des Armoricains. César (BG. II, 34, VII, 75). Le décor est planté. Il nous reste maintenant à aborder le classement et le référencement de ce type qui figure bien dans l’inventaire de L.-P. Delestrée & M. Tache, Nouvel Atlas des monnaies gauloises, II. De la Seine à la Loire moyenne, SiantGermain-en-Laye, 2004, p. 89, série 359, billons attribués au Redons, classe III sous le vocable « type de Mordelles » n° 2320, pl. XIII. Ce type bien particulier, outre l’élégante représentation de la tête humaine à droite avec une épaisse chevelure en mèches se terminant en boucles enroulées avec des volutes, présentant un nez pointu, l’œil en amande avec un ornement en volute enroulé et perlé devant la bouche qui descend le long du menton, présente au revers sous le cheval androcéphale à droite surmonté des restes de l’aurige, orné d’une volute enroulée sur le poitrail, une roue jantée à huit rayons avec moyeu central devant l’antropomorphe, un bœuf enseigne, stylisé, tourné à droite au-dessous, à l’exergue. Sous le numéro DT 2320, les auteurs semblent indiquer plusieurs provenances pour les exemplaires connus alors que les trois exemplaires recensés proviennent tous du site Mordelles et appartiennent tous les trois à la collection du musée de Bretagne à Rennes, K. Gruel & E. Morin, Les monnaies celtes du musée de Bretagne, Paris, 1999, p. 72-73 et 165, n° 428430 et sont tous de même coin de droit. Ils pèsent respectivement 5,82 g, 5,71 g et 6,50g. Connu dès le XIXe siècle, le site Mordelles a livré un trésor de 200 à 300 pièces gauloises d’argent et de billon trouvées en 1893 dans un vase dont une partie est entrée au musée de Bretagne. Le site a été identifié comme un sanctuaire, fanum romano-celtique. Gruel, Morin, op. Cit. p. 16 signale que ce trésor a fait l’objet d’une importante bibliographie depuis 1908 avec une mention de J.-B Colbert de Beaulieu à propos du trésor de Saint-Jacquesde-la-Lande (1951), et surtout la publication dans les Annales de Bretagne, t. LIX, 2, p. 221-233, pl. 2, 1-22, La trouvaille de monnaies gauloise de Mordelles (1893) avec E. Guibourg dont une partie des collections fut dispersée par J. Vinchon en 1974 (9 et 10 décembre). Vous l’aurez compris, ce type reste très rare et la classe III du DT 2320 correspondait à la classe IX de la série d’argent et de billon au taureau enseigne des Riedones, déterminé par J.-B. Colbert-de-Beaulieu. Ce statère devrait rejoindre sans problème une collection de monnaies celtiques digne de lui. Cet exemplaire se trouve être un des plus beaux connus et des mieux conservés. Viviane BÉCLIN et Laurent SCHMITT BIENVENUE CHEZ LES VÉNÈTES : LE STATÈRE DE MORDELLES !

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