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Bulletin Numismatique n°233 34 Néron, (Nero Claudius Cæsar Drusus Germanicus par son adoption) de son vrai nom Lucius Domitius Aehonabarbus, est certainement l’un des princes les plus honnis de l’histoire impériale, présenté comme l’Antéchrist par les Chrétiens contre qui, il entreprit la première persécution après le grand incendie de Rome en 64, les rendant responsables de l’événement. Matricide d’Agrippine en 59, Fraticide de Britannicus son demi-frère en 55, féminicide de son épouse Poppée en 65, Néron est paré de tous les maux et voué finalement par les pères conscrits (sénateurs) à la damnatio memoriæ (abolition de son nom et de ses actes). Cependant cette vision obscure, voire noire, du personnage s’est peu à peu modifiée au cours du temps, en premier lieu avec la publication du Néron d’E. Cizek qui a entamé une forme de réhabilitation de l’Auguste en mettant en exergue son philhellénisme, ses goûts littéraires et artistiques, ses grandes réformes dont la réforme monétaire, ses prédispositions d’urbaniste dans la reconstruction de Rome avec son palais féerique (domus aurea), son ascendant auprès de la plèbe et en amendant les témoignages défavorables d’auteurs issus des milieux sénatoriaux, hostiles au personnage, en particulier après la conspiration de Pison (Cneius Calpurnius Piso) en 65. Le phénomène s’est renforcé ces dernières années avec la publication de Murena (bande dessinée) ainsi que de plusieurs articles donnés dans des revues historiques à la vaste audience. Néron reste un personnage dérangeant, ultime rejeton de la dynastie Julio-Claudienne, pas plus pervers que Tibère, son grandoncle, pas plus fou que son cousin Caligula, sanguinaire que son père adoptif, Claude, calculateur que le fondateur de la dynastie, Auguste, mais qui présente le funeste défaut d’être le dernier de la lignée ! Néron est certainement l’un des empereurs les plus connus, grâce à Tacite et à Suétone, mais aussi l’un des plus décriés. C’est le dernier représentant de la dynastie Julio-Claudienne. Fils d’Agrippine jeune, elle-même fille d’Agrippine mère et de Germanicus, l’arrière-petit-fils d’Auguste, elle est la quatrième épouse de Claude, et de Cneius Domitius Ahenobarbus, il est né le 15 décembre 37. Il descend à la fois d’Auguste par sa mère et de Julie par son grand-père maternel, Germanicus. Adopté par Claude en 50, il devient César l’année suivante. Après l’assassinat de Claude par Agrippine avec l’aide de Locuste en 54, âgé de 17 ans, il commence son règne sous de bons auspices. Aidé de Sénèque, son précepteur, et de Burrus, préfet du Prétoire, il gouverne intelligemment avec le Sénat. Il a épousé Octavie, la fille de Claude et de Messaline. Le frère d’Octavie, Britannicus, meurt dans des conditions mystérieuses en 55 après J.-C. (empoisonné ?). Après le « quinquennum aureum » (les cinq années dorées) (54-59), l’empereur fait ou laisse assassiner sa mère. Les neuf dernières années du règne vont déstabiliser le principat. La réforme monétaire de 64 permet de restaurer les finances de l’État tout en faisant supporter aux habitants de l’Empire le prix de celles-ci. Cette année 64 est marquée par le grand incendie de Rome et ses conséquences, dont la persécution contre les Chrétiens de la ville. L’année suivante, c’est la découverte de la conspiration de Pison, la mort de Sénèque et de Lucain. En 66, Tiridate est intronisé roi d’Arménie à Rome. Néron se rend ensuite en Grèce où il se produit sur scène et proclame « La liberté de la Grèce ». Les excès de l’empereur provoquent au début de l’année 68 une vague de mécontentement qui culmine avec la révolte de Vindex en Gaule, de Galba et d’Othon en Espagne. Néron est déclaré ennemi public (hostis publicus) par le Sénat. Il se suicide le 9 juin pour ne pas tomber vivant aux mains de ses ennemis. Dans la prochaine Live Auction du 5 septembre 2023, nous vous présentons, au travers d’aurei, les deux visages de l’empereur, celui du début du règne qui est aussi frappé avant la grande réforme, où figure le visage encore adolescent du nouvel auguste, bien qu’âgé de 24 ans au moment où il est fabriqué tandis que le second illustre les traits alourdis par tous les excès, alors qu’il n’a que 28 ans, donnant l’impression que nous sommes en présence de deux personnages différents ! Ce n’est cependant pas la représentation d’un Janus bifront auquel nous nous trouvons confrontés, mais bien à deux visages différents, deux formes d’expression du pouvoir, d’un pouvoir devenu oppressant, perçu par le uns comme sanguinaire tandis que les autres continuent de l’aduler et de l’acclamer jusqu’à la veille de sa disparition, créant même un malaise pendant l’année des « Quatre empereurs » (68-69) avec Othon (15 janvier – 17 avril 69) essayant de le réhabiliter. La Réforme monétaire de 64 est passée par là. Si le règne de Néron s’articule en deux grandes parties entre 54 et 59 et de 59 à 68 autour de la fin du « quinquennum aureum » et la disparition de sa mère, numismatiquement cette dichotomie se place entre 54 et 63 d’une part, 64 et 68 pour la seconde. NÉRON AUX DEUX VISAGES !

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