cgb.fr

Bulletin Numismatique n°229 40 de souscription, dont MM. Guépin aidé par ses amis Rocher, Ménard, Souvestre, et Mellinet. Des lithographies ainsi que des portraits furent également proposés à la vente afin de venir contribuer à élever la somme en faveur des victimes. L’EXHUMATION DES VICTIMES DE LA FUSILLADE Selon les articles du jeudi 24 mars 1831 des journaux L’Ami de la Charte et Le Breton, ce fut le 23 mars 1831, soit près de huit mois après les évènements, que fut entrepris l’exhumation des dix victimes de la fusillade de juillet 1830. Cellesci avaient été dans un premier temps, inhumées chacune dans un des quatre cimetières de la ville de Nantes, à proximité de leur domicile. Même si le monument en leur honneur n’était toujours pas achevé à cette époque au sein du cimetière Miséricorde, en raison d’une souscription léthargique, un caveau avait néanmoins été préparé à cet emplacement, pour recevoir les cendres des corps. Les exhumations commencèrent vers 5 heures du matin, avec les 3 corps reposant dans les cimetières Saint-Jacques et de la Bouteillerie. Ceux-ci furent transportés dans un char recouvert d’un drapeau tricolore, accompagné par une quarantaine de gardes nationaux, qui avaient spontanément décidé de répondre présent à cet évènement, pour rendre hommage une dernière fois à ces courageuses victimes. La translation achevée vers 9 heures du matin, on procéda alors à l’exhumation du fondeur en cuivre Voruz, qui était le seul à reposer dans le cimetière des Protestants. Enfin, les 6 dernières victimes qui, elles, se trouvaient déjà toutes dans le cimetière de Miséricorde, furent déposées tour à tour, dans le caveau, de sorte que cette opération fut terminée à midi, soit environ sept heures après la première exhumation. Cette translation commune s’effectua dans la plus grande discrétion, sans pompes ni éclat, ce qui fut justement reproché par L’Ami de la Charte, qui explique que sans la présence des gardes nationaux, seuls les porteurs des cercueils auraient été présents, ce qui pour les rédacteurs du journal, constitue une façon peu honorable de rendre hommage à ceux qui se sont battus pour leur Liberté. « Notre âme est oppressée en écrivant ces lignes ; la plume s’échappe de nos mains… Hélas ! Est-ce ainsi que les Anciens honoraient la cendre des citoyens morts pour la patrie et la liberté. » Ce même reproche est également visible dans l’article du 24 mars 1831 du journal Le Breton : « Beaucoup de personnes regrettaient qu’on n’ait pas mis plus de pompe à la translation des restes des victimes du patriotisme et de la liberté. » » LA PREMIÈRE COMMÉMORATION EN 1831 Dès 1831, avant même le jour anniversaire, il avait été décidé d’organiser chaque année une fête commémorative, en hommage aux évènements de juillet 1830. Le Conseil Municipal adressa au Roi, plutôt tardivement, le 18 juillet 1831, une demande visant à obtenir la présence d’un des fils du Roi lors des cérémonies de la fin du mois. La réponse apportée fut négative, au grand dam des Nantais5. Le programme de la commémoration est finalement arrêté tout aussi tardivement, puisqu’il est fixé par un arrêté pris en bureau municipal, le 22 juillet6, en coordination avec l’autorité militaire mais surtout avec le commissaire extraordinaire du Roi dans les départements de l’ouest – de fait, une autorité d’exception qui a la main à la fois sur le civil et le militaire. L’Église a également fait partie de la concertation. On peut y lire que la célébration se fera sur 2 jours, car « il pourrait y avoir beaucoup d’inconvénients à interrompre pendant trois jours consécutifs les travaux et les affaires, que toutes les cérémonies qui peuvent commander les souvenirs de cette mémorable époque, peuvent être réunies dans une seule et même journée, et que celle du 29 est la plus convenable à cet objet, parce que le lendemain 30 en sera la suite, la ville de Nantes ayant aussi son propre anniversaire à solenniser, pour la part qu’elle a prise dans le triomphe de la liberté »7. Le 29 juillet est donc en lien avec la fête nationale des 3 Glorieuses, alors que le 30 juillet rend hommage aux événements plus particulièrement nantais. Le 29, un service funèbre est célébré dans la cathédrale de Nantes, en présence de fonctionnaires publics, de membres de la troupe et de la garde nationale. Un coup de canon est tiré toutes les cinq minutes. Juste après, une revue de troupes est effectuée sur les Cours, à proximité de la cathédrale. Plus tard, à partir de quatre heures, différents jeux sont organisés (mât de cocagne sur la place Royale, joute sur l’eau, etc.). À la tombée du jour, les édifices publics sont illuminés, et des orchestres placés à différents endroits de la ville jouent pour « entretenir des danses publiques jusqu’à 11 heures ». Le lendemain, 30, les décorations et médailles accordées par le Roi aux Nantais sont remises, en présence de la garde nationale et des troupes. Le programme défini dans cet arrêté du maire est bien court, un article paru dans le Breton, du 1er août 1831, nous en ap5 Ami de la Charte, 25 juillet 1831 « Aucun des fils de Louis-Philippe ne pourra venir à Nantes pour notre fête du 30, mais la députation a reçu l’assurance que le duc d’Orléans passerait par notre ville lors du voyage que S.A.R va faire dans le midi ». 6 Il est intéressant de relever aussi un arrêté du bureau municipal du 28 juillet, à la veille des fêtes, qui interdit toute plantation « d’arbre de la liberté ». C’est un symbole révolutionnaire, certes, mais dont la connotation est probablement jugée trop républicaine et quelque peu régicide. Alors qu’il préside la Convention lors du jugement de Louis XVI, Barère de Vieuzac, considéré comme un de ceux qui a fait pencher la balance pour l’exécution, déclare : « L’arbre de la liberté ne saurait croître s’il n’était arrosé du sang des rois », un propos tout proche de Thomas Jefferson, remontant à 1787 : « L’arbre de la liberté doit être revivifié de temps en temps par le sang des patriotes et des tyrans ». À noter que l’Ami de la Charte essaie de trouver une ligne neutre sur un tel sujet, tout en rappelant que le « seul signe représentatif de la liberté, en France, c’est le drapeau tricolore » en première page le 18 juillet. L’article se poursuit ainsi : « nous ne blâmons cependant point les plantations d’arbres de liberté, parce que nous ne voyons pas ce qu’ils ont de dangereux mais nous croyons que quand elles peuvent amener des troubles, susciter des désordres ou occasionner une collision, les patriotes doivent y renoncer ». 7 Outre dans les arrêtés du maire, conservés par les Archives de Nantes, on trouve le texte repris in extenso sur la première page de l’édition du samedi 23 juillet 1831 de l’Ami de la Charte LES 3 GLORIEUSES À NANTES, LES MÉDAILLES ANNIVERSAIRES DE 1831 ET 1832 ENTRE COMMÉMORATION ET PROPAGANDE POLITIQUE - PARTIE 1

RkJQdWJsaXNoZXIy MzEzOTE=