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Bulletin Numismatique n°227 20 LIVE AUCTION DU 7 MARS 2022 CYRÈNE, UN TÉTRADRACHME TÉMOIGNAGE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE Dans la prochaine « Live Auction » de Cgb.fr, parmi les 53 monnaies grecques du catalogue, deux monnaies ont retenu particulièrement notre attention. La première est un magnifique tétradrachme archaïque de Cyrène, actuelle Libye (bgr_756205). La tradition et la mythologie y situaient le Jardin des Hespérides. Cyrène, ville grecque, la plus importante des cinq colonies de la Cyrénaïque, aurait pour origine la nymphe du même nom, courtisée par Apollon et qui aurait donné son nom à la région et à la ville. Fondée vers 630 avant J.-C. par des colons doriens en provenance de l’île de Théra (Santorin dans les Cyclades), Cyrène était la cité la plus importante de la région avec Barcé et Evespéris. Les colons fondateurs auraient été commandés par Battus, ancêtre mythique des Battides qui régnèrent deux siècles sur Cyrène. La cité royale, indépendante, était dans l’orbite égyptienne et ne fut que peu occupée par les Perses. Après la disparition du dernier descendant des Battides, Arcésilas IV, tyran au Ve siècle avant J.-C., Cyrène, eut un gouvernement démocratique avant d’entrer dans la mouvance Lagide à la fin du siècle suivant. La richesse et l’opulence de la cité et de la région reposait sur la culture et la récolte du silphium (sιλϕιων) dont le suc est nommé « laserpicium » et que Pline indique comme se vendant au poids de l’argent, l’une des plantes médicinales les plus recherchées de l’Antiquité. Déjà en voie d’extinction à l’époque de Néron, elle disparut définitivement au Ve siècle après J.-C., signe d’une surproduction, et conséquence d’un changement climatique. Cette plante, à la fois médicament et épice était considérée par Pline l’Ancien comme un « don précieux de la nature » (HN, XIX, 15). Si son identification reste incertaine, elle fut utilisée entre autres par Hippocrate, Celse et Galien dans leurs traitements thérapeutiques. Notre tétradrachme, car il s’agit bien d’une pièce de quatre drachmes, d’étalon euboïco attique d’une masse de 16,91g, de forme globulaire avec un diamètre de 23 millimètres et d’orientation des coins à 3 heures, fut fabriqué vers 485-475 avant J.-C. Droit et revers font référence à la richesse proverbiale de la cité et de la région, le silphium, déjà évoqué avec une représentation stylisée de la plante au droit, surmonté de deux feuilles et de son fruit accosté de deux dauphins au revers qui font peut-être référence aux origines de la fondation lié au culte d’Apollon ou bien à la provenance des premiers colons Égéens, orné de globules dans les angles, le tout dans un carré creux. Ce type très particulier et très rare est signalé dans l’ouvrage de M. Price et N. Waggoner, Asyut Hoard, Londres 1975, n° 833, pl. XXXI. Le trésor d’Asyt (Égypte, Delta) qui aurait contenu environ 900 pièces dispersées aujourd’hui, comprenait des monnaies de 70 ateliers différents. L’enfouissement du trésor est placé vers 475 avant J.-C. (TPQ). Il comprenait 42 pièces de Cyrénaïque dont dix-huit statères de Cyrène (n° 818-859). Trois tétradrachmes de notre type avec les dauphins dans le même sens n° 833-835 y étaient inclus et notre exemplaire semble de mêmes coins que les pièces n° 833 et 834, pl. XXXI du trésor d’Asyt. Ce type était déjà signalé dans l’ouvrage d’Ernest Babelon, Traité des monnaies grecques et romaines, deuxième partie, description historique, tome premier, Paris 1907, col. 1351-1352, n° 2022, pl/ LXIV, n° 1 (conservé à Paris 17,05g). Un exemplaire appartenait à la collection Pozzi, Ars Classica I, Naville, Genève 1921, p. 182, n° 3260, pl. XCIX (16,94 g) présentant des caractéristiques similaires, beaucoup moins bien conservé que notre exemplaire, ce qui est aussi le cas de l’exemplaire de la BnF ainsi que des différents exemplaires du trésor d’Asyt. Notre tétradrachme est particulièrement bien centré, avec peu d’usure, présentant un revers bien venu à la frappe et accompagné d’une patine de collection ancienne. Nous sommes persuadés que ce très rare exemplaire dont le prix de départ est fixé à 5 000€ et l’estimation à 9 500€ et qui de plus se trouve encapsulé dans un « slab » NGC Ch. VF (Strike 4/5, Surface 2/5) ira rejoindre une collection digne de cet écrin. Ces tétradrachmes archaïques, outre leur insigne rareté, sont extrêmement recherchés à cause de leur portée symbolique, présentant, une plante, aujourd’hui disparue de cette partie du monde victime de son succès et de son exploitation intensive. Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT

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