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Bulletin Numismatique n°224 24 Dispersée le 12 mars 2022 à Monaco, centre international de grandes ventes numismatiques de prestige, par Alain Weil et Federico Pastrone (Editions Victor Gadoury), l’extraordinaire collection du très grand numismate que fut l’industriel en bonneterie de luxe Fernand David (1861-1927) comprenait une exceptionnelle et magnifique collection de monnaies lorraines en or et en argent. Parmi ces dernières figurait un rarissime florin d’or, millésimé 1612, au nom du prince-évêque de Verdun, Charles de Lorraine-Chaligny, proche cousin du duc de Lorraine, Henri dit « le bon ». Ce florin était répertorié au n°513 du catalogue rédigé par les experts précités avec le concours de Francesco Pastrone, le patron des Editions Victor Gadoury. Estimé à 1000€, il a été acquis par nous à 2200€ (+24% de frais) (fig.1). Fig. 1 LES MONNAIES D’OR DES PRINCES-ÉVÊQUES DE VERDUN AU XVIIE SIÈCLE Avant le XVIIe siècle, les princes-évêques de Verdun n’avaient jamais battu de monnaies d’or, bien qu’exerçant le droit le monnayage depuis le XIe siècle. En 1608, le prince-évêque Erric de Lorraine-Vaudémont reprend la frappe des monnaies verdunoises après une interruption de plus d’un siècle. On peut penser que cette reprise s’inscrit dans une lutte d’influence sans concession entre la Maison de Lorraine, à laquelle appartient Erric, et la France qui occupe militairement les Trois-Evêchés de Metz, Toul et Verdun depuis 1552, le roi de France y exerçant des droits de « vicaire d’Empire », c’est-à-dire de protecteur militaire de ces territoires. En rétablissant le monnayage épiscopal verdunois en 1608, l’évêque Erric introduit dans son évêché le florin d’or, imité du florin d’or ducal lorrain frappé à Nancy. Erric exerce son épiscopat de 1593 à 1611. À partir de 1600, il se heurte au roi de France Henri IV qui entend renforcer la tutelle de la France sur les Trois-Evêchés notamment en mettant en cause les deux principaux droits régaliens des princes-évêques de ces territoires, toujours d’Empire car ils ne seront rattachés à la France qu’en 1648. Ces droits sont celui de rendre la justice et celui de battre monnaie. En 1611, Erric de Lorraine-Vaudémont, lassé des conflits avec la France, résigne l’évêché de Verdun en faveur de son neveu Charles de Lorraine-Chaligny, autre prince de la Maison de Lorraine. Charles de Lorraine-Chaligny (1592-1631) était âgé de 19 ans lorsqu’il accède à l’épiscopat de l’évêché impérial de Verdun : pour le temporel en 1611, pour le spirituel en 1617 parce que le pape le trouvait trop jeune en 1611 pour être sacré évêque. À son tour il entrera en conflit avec la France et, après un voyage infructueux à Paris en 1621, il résignera son évêché en 1622 au profit de son frère cadet François. François de Lorraine-Chaligny (1622-1661) sera alors un farouche adversaire de Louis XIII et de Richelieu, n’hésitant pas à prendre les armes contre la France. Rétabli dans ses droits par le traité de Munster en Westphalie en 1648, il deviendra alors malgré lui sujet de Louis XIV, les Trois-Evêchés ayant été rattachés à la France par le même traité. Fig. 2 L’évêque Erric frappe le florin d’or en 1608, 1610 et 1611, aucun millésime antérieur n’ayant été retrouvé. Son neveu l’évêque Charles continue la frappe de ce florin en 1612 et 1613. Le frère de ce dernier, l’évêque François, frappe sans doute un florin anonyme implorant le secours de la Vierge Marie, protectrice de Verdun, vers 1624. Le florin d’or de Verdun est une monnaie rarissime, connue à quelques exemplaires seulement, recensée uniquement dans les grandes collections qui se passent et se repassent les rares exemplaires retrouvés. Le florin d’or de l’évêque Charles est sensiblement plus rare que celui d’Erric bien qu’on le trouve dessiné, avec le millésime 1612, et répertorié dans les Tarifs Verdussen de 1627 (p.103) et de 1633 (p.95 n°6). Cette présence dans ces Tarifs (fig.2, dessin de 1627) signifie seulement que ce florin de l’évêque Charles circula dans les Pays-Bas espagnols et sans doute dans l’Empire alors que la circulation du florin de l’évêque Erric, apparemment frappé en quantité plus abondante, fut sans doute limitée à l’espace lorrain constitué par les duchés de Lorraine et de Bar et les Trois-Evêchés. D’où l’absence du florin d’Erric des Tarifs Verdussen. L’ORIGINE DU FLORIN D’OR VERDUNOIS DE LA COLLECTION DAVID : ROBERT N°178 ? Les ouvrages de Félix Liénard (1889) et de Pierre-Charles Robert (1885), ainsi que le catalogue de vente de la collection de ce dernier (1886) restent encore aujourd’hui les meilleures références, nonobstant le travail utile de Dominique Flon publié en 2002. Cet auteur, qualifié et compétent, mais élu de la ville de Nancy et abordant l’étude des monnaies lorraines à travers le prisme de l’ancienne capitale ducale, n’a pas accordé la même LE RARISSIME FLORIN D’OR VERDUNOIS DE LA PRESTIGIEUSE COLLECTION FERNAND DAVID : UNE VARIÉTÉ INÉDITE RETROUVÉE ?

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