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Bulletin Numismatique n°224 16 Voici quelques années je visitais Ravenne. Le mausolée de Théodoric, le palais de Théodoric, les toilettes de Théodoric… sur une affiche je découvrais le portrait de l’homme. Sensible à la grandeur de ma nation, passionné par les époques de la République romaine et de son Haut-Empire, cette tête de Beatles avec un « panneton » sur la tête était bien la représentation que je me faisais de ces envahisseurs barbares, sauvages, incultes, grossiers qui étaient venus détruire une si parfaite civilisation. Théodoric est un Goth né en Pannonie dans le Ve siècle de notre ère. Si il est fils de roi, son enfance serait celle d’un sauvageon, sans pompe et sans égard. Il est de la lignée des Amales, son père, ses oncles, son grandpère étaient alliés aux Huns et certains ont servi dans les armées d’Attila. Après la mort du roi des Huns en 453, Thiudimir, un des chefs des Goths, père du petit Théo, prend le parti des Romains d’Orient et accepte de traiter avec eux. Comme il est d’usage à l’époque, en garantie, un enfant du chef goth est pris en otage et c’est ainsi qu’un tout jeune Théodoric part pour Constantinople. En ce temps, les Goths sont intégrés et appréciés à Rome tant en Orient qu’en Occident. De Ravenne, capitale impériale depuis Honorius, à Constantinople, la qualité de leurs généraux au sein de l’armée romaine est largement reconnue. Ainsi, si en fait dans l’Empire, ils sont romains comme tous les autres citoyens, en Italie ils sont italiens… L’enfant goth, otage, est élevé à Constantinople parmi les enfants des patriciens. Traité comme un prince, il reçoit la meilleure éducation. Ainsi, tant que son père restait fidèle à ses engagements le jeune Théodoric grandissait heureux et choyé. Imprégné de culture gréco-latine, le « barbare » en une décennie devenait Flavius Théodoricus… Sous l’égide bienveillante des empereurs Léon puis Zénon, le jeune « Romain » s’initie à la gestion d’un empire. Ainsi, peut-être adopté par Zénon, il est fait maître de milice, consul et patrice. En 474, Théodoric est autorisé à rejoindre son père Thiudimir et participe aux campagnes militaires victorieuses en Mésie et en Dacie pour le compte de l’Empire. En 488, l’empereur d’Orient lui confie la tâche de destituer Odoacre et de prendre le contrôle, en son nom, de l’Italie. En 493 il tue Odoacre de ses propres mains et avec la permission d’Anastase qui vient de succéder à Zénon il devient maître de Ravenne, dépositaire de la charge impériale en Occident, représentant légitime de l’empereur romain d’Orient. Pendant trente ans, investi du gouvernement de l’Italie, Théodoric maintient une administration romaine. Cultivé et raffiné, il s’entoure de fins lettrés, comme Boèce, Ennode de Pavie et Cassiodore. Dans la tradition des grands empereurs il embellit sa capitale et ses grandes villes de monuments, il entreprend d’importants travaux d’urbanisme, il édifie de nouvelles églises, des aqueducs, des termes, il assèche les marais pontins, vante les qualités du « recioto », contribue à l’invention de la « Pastissada de caval » et il ne manquera pas de rétablir un système monétaire de qualité. À l’image des anciens, il affiche une tolérance qui trahit sa vision romaine des religions même si l’agitation des communautés chrétiennes lui procureront quelques aigreurs. Il sera tout de même un protecteur de l’Eglise romaine. Au-delà de ses frontières, pour l’Italie et pour l’Empereur, il enlève la Provence puis la région entre la Durance et la Drôme. Il gouverne ainsi le sud de la Gaule et une partie de l’Espagne. Cependant, Théodoric faisant fi de sa tutelle impériale aurait pu commencer à penser qu’il était vraiment le roi de son royaume. L’élaboration d’un projet de dynastie va le conduire par le mariage de ses filles à conclure des alliances avec des princes ibères, burgondes, avec des rois vandales et francs tissant des liens familiaux mais aussi économiques et politiques contribuant véritablement à pacifier l’Occident. Celui que je voyais comme un lourd barbare, celui qu’on appelle encore dans la chanson de geste germanique, Dietrich de Berne, étend son influence sur les royaumes germaniques du Danube, des Balkans jusqu’au sud-est de la mer Baltique. Romain parmi les Romains, en 500, à Rome, un triomphe, une distribution de blé consacrent ses trente ans de règne à l’image des commémorations impériales. Avant de quitter l’Urbe, l’Auguste « très glorieux » qui porte la pourpre et le diadème se rend au Sénat et s’adressant au peuple et aux sénateurs fait le serment de toujours défendre l’esprit de Rome et son héritage. Nous devons nous interroger sur cette notion de nationalité qui finalement n’a jamais eu de grande valeur dans l’Empire. Bretons, Belges, Gaulois, Ibères, Libyens, Sarmates, Arméniens depuis Caracalla étaient tous citoyens romains. Depuis Nerva, plus aucun prince ne fut italien, et l’Empire ne s’en porta pas plus mal tant Rome préféra la valeur à l’origine. Notons encore que Odoacre le skyre, Romulus Augustule germain de Pannonie, Léon le thrace, Zénon l’isaurien, Anastase d’Epire, Justin l’illyrien furent de grands Romains… Il n’était qu’un Goth en 461, qu’un sauvage de 6 ans élevé comme un patricien romain. Il ne fut ni empereur ni César mais glorieux capitaine des armées de Constantinople et de Rome. Chef barbare, roi d’Italie, il présida sans injustice à la destinée de la péninsule ouvrant trois décennies de paix . Si il fut grand il dut vieillir, et voir tous ses rêves s’évanouir, il devait mourir le 30 août 526 sans vrais héritiers. Il ne devait rien rester de ses alliances et de son sang royal mélangé. Par la guerre, Constantinople devait faire valoir son droit et en 25 ans effacer l’œuvre de Théodoric pour faire disparaitre les Goths d’Italie. L’histoire romaine sut tout de même reconnaitre dans cet homme un de ses plus grands. Procope, historien et chroniqueur dit de lui: « Il commanda seul sur les Italiens et sur les Goths avec une puissance absolue. Il ne prit néanmoins ni le nom, ni l’habit d’empeTHÉODORIC, FLAVIUS TEODORICUS

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