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Bulletin Numismatique n°215 19 On s’accorde à considérer que sous l’égide de sa mère, de son tuteur Sénèque et du préfet de prétoire Sextus Afranius Burrus, avec les faveurs de l’armée et de la plèbe, les premières années du règne de Lucius sont des exemples de bonne administration. Il est admis selon la formule que les affaires de l’Empire sont traitées avec efficacité et que le Sénat bénéficie d’une période d’influence renouvelée dans les affaires de l’État. Les interventions de Néron sur le plan militaire et en matière de ce que nous appellerions aujourd’hui la politique extérieure sont étonnantes, même surprenantes. Nous n’avons clairement pas affaire à un sot. Les initiatives de l’Empereur en Bretagne, en Arménie, en Judée conduisent à des campagnes victorieuses. Sous le règne de Néron la révolte de la reine Boudicca est jugulée, une paix durable est conclue avec les Parthes. Un certain Vespasien rétablit l’ordre en Judée. Lucius se montre un homme intelligent, judicieux et efficace. Nous pouvons considérer l’intronisation de Tiridate comme roi d’Arménie à Rome en 66 comme un acte de fine diplomatie. L’Empereur inaugure une espèce de théocratie ludique qui avait tout pour séduire une large partie du peuple. Les Quinquennalia, notamment, étaient des fêtes instituées à l’imitation des Olympiades grecques. Ce genre d’évènement avait déjà été organisé sous Jules César et Auguste en l’honneur de leur anniversaire. Néron ré-institue ces festivités, il y aurait participé activement et aurait même obligé les sénateurs et les édiles à en faire de même, amenant à des situations très hilarantes. Ces journées étaient célébrées à la fin de chaque quatrième année. Elles consistaient en concours de musique, de gymnastique, d’art équestre, de poésie et étaient appelées Neronia. Lucius est en avance sur son temps, ces jeux calment la plèbe et distraient les instincts agités. En communion, dans le divertissement, les Romains trouvent l’organisateur des amusements bien sympathique et pensent à autre chose… Néron est indéniablement un homme de grande sensibilité, un artiste, qui cherche à se mettre en scène, à s’exprimer, naturellement il cherche à être apprécié, aimé par son public, son peuple… En même temps il soigne sa popularité, il organise des fêtes, des combats de gladiateurs, des représentations, des récitals auxquels il prend parfois part. Il semble qu’il n’était peut-être pas dénué de talent. En 64, il donne à Naples un récital en public qui aurait été un succès…Tacite nous dit qu’il était loin d’être ridicule, et que Néron, sans être un immense artiste, était indéniablement doué. Louise-Marie Libert soutient que Néron ne semblait pas être amateur de spectacles violents, et que la vue du sang ne lui procurait aucun plaisir. Lucius semble tout aussi passionné et peut-être tout aussi doué pour l’architecture. De manière évidente il contribue à l’évolution artistique de la culture romaine. Comme tous les grands abreuvés de pouvoir, constitutionnellement mégalomane, il se fait construire au sein de Rome un palais, à sa mesure tout en démesure. Golden House of Rome: History and Reconstruction La Domus aurea couvre une partie importante de Rome intra muros. Il s’agit d’un ensemble monumental de 200 pièces, d’une longueur de 370 mètres couvrant 80 hectares. Le palais comporte plusieurs bâtiments, des jardins magnifiques, un lac artificiel, une salle de banquet dont le plafond en forme de voûte céleste tourne sur lui-même, jour et nuit, sans relâche imitant le mouvement du monde… Après la mort de Néron, l’espace occupé est rendu aux Romains et le Colisée est édifié sur l’emplacement du lac. La construction de la Domus aurea voit l’introduction dans le monde romain d’innovations architecturales et artistiques remarquables : notamment, la « Cenatio rotunda », une tour ronde de 20 mètres de haut avec sa coupole de 13 mètres de diamètre, ouverte en son sommet par un oculus et supportée par 8 piliers (préfigurant l’architecture du Panthéon) et sur un plateau tournant à 360 degrés grâce à un mécanisme ingénieux de roue à aube, un plancher offrant une vue rotative sur le parc, l’atrium du palais ainsi que sur la plus grande partie de la ville : le Capitole, le Forum, le Palatin et les collines de Rome. La demeure dorée était parsemée de fresques murales d’inspiration fantastique, représentant des architectures en trompe-l’œil, de fontaines d’intérieur monumentales (nymphées) qui diffusaient de la fraîcheur et des reflets lumineux qui semblaient danser sur les parois. Pour la première fois dans le monde antique, des mosaïques sont placées sur des parois verticales ou des voûtes, technique qui va se généraliser après Néron et se perpétuer pendant des siècles. C’était beau, c’était grand, il y avait du génie créatif et inventif dans cette impulsion qui devait profiter finalement à l’entièreté du monde romain, à l’art et à la technique en général… Le grand incendie de Rome est une image infernale qui colle au personnage de Néron. Dans la nuit du 18 juillet 64, les boutiques des environs du Cirque Maxime s’enflamment. Le feu ravage la ville durant neuf jours. Trois des quatorze régions de Rome sont entièrement détruites, sept autres endommagées. Plusieurs historiens anciens, dont Suétone et Dion Cassius, accusent l’Empereur d’être à l’origine de ce sinistre. Ils rapportent ainsi que l’incendie s’est étendu dans toutes les directions sans tenir compte du vent et qu’il a repris après s’être arrêté, tandis que des hommes ont empêché les secours d’éteindre le feu en prétendant avoir des ordres de Néron ; que des bâtiments en pierre situés à l’emplacement de la future Domus Aurea de Néron ont été rasés par des engins de guerre et non détruits par l’incendie ; que Néron s’est installé sur le toit de son palais pour jouer de la lyre tout en chantant la chute de Troie en admirant l’incendie ; et qu’il s’est chargé de l’évacuation des décombres et des cadavres uniquement pour récupérer ce qui restait dans les ruines… Dans les faits, rien ne permet d’affirmer que Néron ait contribué à ce désastre, que Tacite présente comme le plus grand incendie jamais subi par Rome. L’incendie a très bien pu se répandre dans plusieurs directions sans l’aide de quiconque, et reprendre de lui-même à cause des braises. La destruction des bâtiments en pierre, que Suétone présente comme une volonté de faire de la place pour la future résidence impériale, tiendrait plus selon Tacite de la volonté de créer un espace vide pour stopper la progression du feu. NÉRON LE MONSTRE, LUCIUS LE BRAVE PARTIE 1

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