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MYSTÉRIEUX DENIERS ALEXANDRINS A u cours des trois premiers siècles de notre ère, l’écono- mie égyptienne constitue une exception dans le monde romain, dans le prolongement de la période ptolémaïque : elle est « close ». A son arrivée dans la province, tout voyageur doit procéder au change de ses monnaies non égyptiennes, puis faire l’opération inverse à son départ. Les troupes romaines y sont totalement payées en monnaie locale, contrairement aux pratiques des autres provinces orientales (1) : un gain substantiel en résulte, car le taux de conversion utilisé par l’administration locale conduit à ne verser de la sorte que l’équivalent de 62 deniers par stipendium (2) au lieu des 75 dus, avant Domitien (3) ! Sous Néron, le gouvernement d’Alexandrie produit une très importante quantité de monnaies de billon afin de retirer de la circulation le billon romain antérieur et les monnaies d’argent ptolémaïques, de meilleure qualité : 3500 tonnes d’argent auraient ainsi été récupérées, dont une bonne partie sera envoyée à Rome pour soulager les finances impériales. Christiansen (4) estime que 600 millions d’exemplaires de ces monnaies auraient été émis entre la 10 e et la 14 e année de règne, constituant l’essentiel du monnayage en circulation en Egypte pendant les deux siècles qui suivirent, car la masse monétaire alexandrine a peu évolué dans cette période. Sous Commode, des tétradrachmes en grand nombre ont été émis, dont le titre en argent était encore plus faible ! Dès lors, comment expliquer l’existence de rares deniers alexandrins, frappés à la fin du II e siècle sur une période de 3 ans, sous trois princes ? Le mystère débute en 192 sous Commode avec une très courte émission, dont Curtis Clay pense qu’elle visait à célé- brer une visite planifiée par le prince : on sait comment un bain fatal priva les Egyptiens de cet honneur... En 195, sous Septime Sévère, l’atelier réutilisera d’ailleurs les coins de droit de 192 lors de l’émission du denier CONSE- CRATIO (5), comme le démontrent ces deux exemplaires partageant leur coin de droit : Commode, Alexandrie, 192. Coll. OG (6) Commode, Alexandrie, 195. Ex-coll. Marc Melcher En 193, l’atelier émet quelques deniers sous Pertinax, plus légers que ceux de Rome, conjointement avec de rarissimes billons locaux aux bustes de son épouse Titiana et de son fils. Pertinax, Alexandrie, 1,76 g. Inventaire Athena Numismatics Flavia Titiana. Diobole, Alexandrie. Vente HERITAGE 3004 Pertinax junior. Tétradrachme, Alexandrie. Coll. B. Ferstein Cette même année, Pescennius Niger n’émet que des aurei à Alexandrie, peut-être destinés à récompenser le (très) provi- soire ralliement à sa cause des autorités de la province. S eptime Sévère prend le relais en 194, après sa victoire sur Niger. Ce monnayage impérial est peu connu, car rare et susceptible d’être confondu avec des productions d’autres ateliers proposant les mêmes titulatures, allégories et légendes. En 1921, le grand numismate italien L. Laffranchi émet la thèse d’une production de deniers et d’aurei alexan- drins pour Sévère, en rapprochant le style du visage (œil, barbe et moustache) de celui des tétradrachmes émis dans cette période par l’atelier. Ce point est désormais communé- ment admis, même si certains auteurs ont parfois contesté le bien-fondé d’une production alexandrine, tels Pink (7) ou Crawford (8). Plus récemment, R. B. Bickford-Smith a confirmé cette attribution dans son article de référence sur les monnaies sévériennes orientales (9). Dans cet article, il dis- tingue 3 phases d’émissions sous Septime Sévère, sur une pé- riode d’environ une année : - Février à août 194 , avec des revers orientaux - Les derniers mois de 194 , avec l’apparition progres- sive de revers de l’atelier de Rome - Enfin, tout début 195 , exclusivement des types de Rome. Bulletin Numismatique n°213 20

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