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Bulletin Numismatique n°210 10 S ous la direction d’Yvan Loskoutoff et de Patrick Michel, Mazarin, Rome et l’Ita- lie, Presses Universitaires de Rouen et du Havre (PURH), broché 18x24 cm, 394 pages, illustrations en couleurs dans le texte, 2021. Prix : 19€. Professeur titulaire de la chaire de littérature française (Temps Modernes) à l’Université du Havre, Yvan Loskoutoff, membre de l’Acadé- mie des Jeux Floraux de Toulouse, organise depuis plusieurs années de remarquables Col- loques sur le thème Héraldique et Numisma- tique ou approchant, dont les travaux sont ensuite édités par les PURH. Sous le titre Héraldique et Nu- mismatique ont été ainsi édités depuis 2013 quatre ouvrages (2013, 2014, 2015, 2018) auxquels il faut ajouter le presti- gieux Les médailles de Louis XIV et leur livre en 2016 ainsi que Héraldique et papauté en 2020. Mazarin, Rome et l’Italie qui vient de paraître est donc le septième ouvrage de la série, très précieuse pour tous les numismates qui s’intéressent logique- ment à l’histoire, en communion avec le célèbre propos du regretté Jean Babelon : Les monnaies racontent l’histoire. La numismatique n’a pas été absente de ce colloque, placé sous le Haut Patronage de son Altesse Sérénissime le prince Albert II de Monaco, actuel duc de Mazarin 1 , qui s’est dérou- lé du 11 au 13 mai 2017 à la Bibliothèque Mazarine et à l’École Nationale des Chartes, en présence du professeur Yves-Marie Bercé, membre de l’Institut de France. J’y ai en particulier rappelé le rôle de Mazarin en matière monétaire pendant les dix-huit années de son gouvernement de la France : c’est lui qui mit en application en 1646, dans toute la France, l’importante réforme monétaire de 1640-1641, li- mitée à Paris et à Lyon sous Louis XIII, en généralisant la frappe mécanique au balancier pour remplacer l’antique frappe manuelle au marteau. Mazarin fut également le Pre- mier ministre sous l’autorité duquel la frappe des écus d’argent fut interdite en septembre 1653 et qui, par ailleurs, expérimenta la mise en circulation de nouvelles espèces : le lis d’or et le lis d’argent de 1656, les liards de billon de Lyon en 1655-1656, les pièces de billon de six blancs et de cinq liards (3 blancs) en 1657. C’est sous le gouvernement de Mazarin que fut frappé le liard de cuivre au buste couronné de Louis XIV, inspiré du jeton de son sacre, seule espèce du long règne de Louis XIV à montrer le souverain couronné. Olivier Rouchon d’une part (pp. 23-52, notamment 39-40) et moi-même d’autre part, nous examinons le rôle joué par Mazarin, vice-légat en Avignon, dans les émissions moné- taires d’Avignon et du Comtat Venaissin. O. Rouchon rap- pelle que Mazarin, vice-légat, fut saisi de plaintes concernant le désordre des monnaies avec en particulier la question des patacs ou patas . On apprend ainsi que Mazarin, dans l’intérêt d’Avignon et du Comtat, renégocia le contrat d’affermage de la Monnaie d’Avignon avec le fermier de cette Monnaie, un 1 Le titre de duc de Mazarin a été apporté au prince Honoré V de Monaco (1819-1841) par sa mère la princesse de Monaco née Marie-Louise-Victoire d’Aumont-Mazarin, fille du duc d’Aumont et de la duchesse de Mazarin. Le duché de Mazarin (Rethel-Mazarin) était transmissible par les femmes, Ma- zarin l’ayant légué à sa nièce Hortense Mancini, première duchesse. Le prince Albert II, actuel souverain de Monaco depuis 2005, descend en ligne directe du prince Florestan I er , frère et successeur d’Honoré V. Il est donc aujourd’hui détenteur du titre de duc de Mazarin. Les archives de l’ancien duché de Re- thel-Mazarin, supprimé par la Révolution de 1789, sont conservées en grande partie au Palais princier de Monaco. marchand lyonnais nommé Oudry. On apprend également que la Monnaie d’Avignon travaille de jour comme de nuit ! C’est sans doute pour pouvoir y frapper massivement des doubles tournois de cuivre, contrefaçons avignonnaises des doubles tournois français. Cela fait penser à ce qui se passait fin 1641 dans la Monnaie d’Henrichemont en Berry alors que le duc de Sully vivait ses derniers jours : on y frappait massivement, de manière illégale, des doubles tournois frau- duleux qui étaient ensuite écoulés à Bourges, la ville la plus proche. Pour ma part, je consacre aux questions monétaires un cha- pitre intitulé : « Mazarin et les monnaies : un apprentissage en Avignon ? » (pp.53-67). Je suis convaincu en effet que l’expé- rience monétaire de Mazarin en Avignon lui fut utile ensuite dans ses fonctions de Premier ministre de la France lorsque des questions monétaires relevèrent de sa décision ou de son arbitrage. C’est Mazarin qui crée en Avignon le double tour- nois avignonnais de cuivre, à l’instar des princes souverains d’Arches-Charleville, de Sedan, de Boisbelle-Henrichemont, de Cugnon, de Dombes, d’Orange et du comte de Soissons à Stenay avec son double lorrain. Mazarin connaît parfaite- ment les espèces monétaires de rapport et celles qui ne le sont pas. Responsable de l’émission des monnaies avignonnaises, il trouva dans la vice-légation en Avignon, selon Y. Loskoutoff, « l’école efficace de la cupidité » dont il saura faire preuve en plusieurs circonstances en matière monétaire dans ses fonc- tions de Premier ministre de la France. Évoqué dès 1685-1686 dans l’Inventaire des monnaies de la collection royale (Cabinet des médailles de la BnF, cotes gam- ma 46 à 48), le rôle de Mazarin est totalement oublié dans le calamiteux chapitre que Poey d’Avant consacre aux monnaies avignonnaises dans son tome II (1860). Il est à peine signalé par Jean Duplessy dans le tome II de son ouvrage sur les mon- naies féodales (2010, p. 82, n°1984 avec indication d’une photo qui n’existe pas !). C’est pourquoi le lecteur trouvera p. 65 le magnifique exemplaire agrandi et en couleurs de la double pistole d’or 1636 de la collection du Cabinet des mé- dailles, monnaie sans doute offerte à Louis XIII par Mazarin lui-même et spécialement signalée dans l’inventaire de 1685- 1686. Sur cette frappe de très grande qualité se détachent parfaite- ment les armes du vice-légat Giulio Mazzarini (Jules Maza- rin) sur le vêtement du pape Urbain VIII remarquablement gravé. Cette magnifique photo est beaucoup plus significative que le simple dessin de Dardel en 1860 repris par J. Duplessy. Les autres études de l’ouvrage concernent l’histoire de Maza- rin. Elles sont fort utiles car une meilleur connaissance de l’homme ne peut que permettre une meilleure compréhen- sion de son rôle d’homme politique. C’est pourquoi, en tant que numismate, on ne peut qu’espérer la publication d’une étude qui serait consacrée à « Mazarin et les monnaies, de la vice-légation d’Avignon au gouvernement de la France sous la minorité de Louis XIV ». Christian CHARLET LE COIN DU LIBRAIRE MAZARIN, ROME ET L’ITALIE

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