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Bulletin Numismatique n°209 22 LES RARES DOUBLES TOURNOIS DE LA PRINCIPAUTÉ ARDENNAISE DE CHÂTEAU-REGNAULT ET LINCHAMPS AUX MILLÉSIMES 1613, 1614 ET 1615 B ien qu’ayant solennellement affirmé en 1575 leur droit de monnayage dans cette principauté souve- raine, les Guise qui la possèdent depuis 1570 ne battent pas monnaie avant 1613. Leurs premières monnaies sont des espèces de cuivre : liards et doubles tournois. Ces pièces sont frappées en vertu d’un bail accordé le 19 janvier 1610 à Aymé Croys, seigneur de Turquan. Le bail est signé conjointement par Louise-Marguerite de Lorraine, fille de Henri de Lorraine, duc de Guise, dit « le Balafré », et son époux François de Bourbon-Condé, prince de Conty, prince du sang, cousin de Henri IV. Louise-Mar- guerite a apporté la principauté en dot à François de Bourbon lors de leur mariage le 24 juillet 1605. Les deux époux règnent conjointement jusqu’au 3 août 1614, date du décès de Fran- çois de Bourbon à Paris. Puis Louise-Marguerite règne seule jusqu’à la fin de décembre 1629, date de la ratification du contrat d’échange de sa principauté avec Louis XIII. Les doubles tournois furent frappés en très grande quantité, par millions, en principauté de Château-Regnault et Lin- champs. Ils sont tous au nom et à l’effigie de François de Bourbon, prince de Conty. Dans leur immense majorité, ces doubles tournois sont dé- pourvus de millésime, ayant été frappés frauduleusement par la princesse après la mort de son mari, de 1615 à 1629. L’ab- sence de millésime lui permettait de mieux contourner les décris du roi de France et d’éviter les poursuites. On connaît néanmoins quelques très rares exemplaires millé- simés 1613, 1614, 1615 et 1629. Ils étaient restés inconnus de Poey d’Avant (1862) et, ce qui est plus étrange, de J. R. De Mey (1985) dans la mesure où ils avaient été publiés tous les quatre en 1932 par Henri Descharmes. LES DOUBLES TOURNOIS AU MILLÉSIME 1613 • 1 re émission (photo n°1) François de Bourbon porte autour du cou un grand col de dentelle. Des deux côtés, la ponctuation est assurée exclusive- ment par des points. On remarque parfois l’écriture fautive BOVRBOVN au lieu de BOVRBON. Référence : CGKL p.384 n°640. • 2 e émission On ignore à quel moment de l’année 1613 cette seconde émission succède à la première. Le revers est identique au pré- cédent, avec une ponctuation par points. En revanche l’avers, dont la légende débute maintenant en haut à 12h, est très différent. Il montre un portrait de François de Bourbon, sans rapport avec le précédent. Le prince porte désormais la fraise au lieu du col de dentelle et la ponctuation est assurée par des fleurons à la place des points. Référence : CGKL p.385 n°642. LES DOUBLES TOURNOIS AU MILLÉSIME 1614 (photo n°2) Ces doubles tournois sont identiques à ceux de la deuxième émission de 1613, à l’exception du millésime. Les exemplaires frappés en début d’année montrent encore un revers avec une ponctuation par points comme en 1613. Cette variété est inconnue du CGKL mais il existe un exemplaire aux U.S.A. dans la collection Robert Ronus. Ensuite, à un moment indéterminé de l’année 1614, une ponctuation par fleurons est adoptée pour le revers comme elle existait déjà pour le droit en 1613 avec le nouveau por- trait au col fraisé. On distingue de légères variétés affectant essentiellement la ponctuation et la légende qui montre par- fois l’écriture fautive BOVRBOVN au lieu de BOVRBON, déjà rencontrée lors de la 1 re émission de 1613. Référence : CGKL p.386-387 n°644 et 646, les deux por- traits étant identiques, seulement dans des états de conserva- tion différents. La distinction faite entre eux par le CGKL nous semblant arbitraire, nous ne la retenons pas. Le style du portrait introduit par la 2 e émission 1613 et conservé en 1614, ainsi que la présence de fleurons en guise de ponctuation, font penser à une composition possible de Ni- colas Briot. Celui-ci, selon nous, a pu graver le portrait de la pièce de XXX sols d’argent, 2 e émission (après la mort de François de Bourbon, voir notre article dans le BSFN 75/01 de janvier 2020, pp. 16-21). Avant de graver cette pièce de XXX sols, Briot aurait-il commencé par graver des doubles ? Si oui, ceux au revers caractérisé par une ponctuation à fleu- rons, c’est-à-dire tous ceux connus sauf celui de R. Ronus, auraient-ils été créés après la mort de François de Bourbon ? Ces questions restent pour le moment sans réponse. LES DOUBLES TOURNOIS AU MILLÉSIME 1615 Le 5 décembre 1614, la régente Marie de Médicis ordonne le décri de toutes les espèces étrangères, parmi lesquelles celles des princes d’Arches-Charleville et de Sedan qui sont rive- rains de la principauté de Château-Regnault et Linchamps. La princesse de Conty bénéficie d’une exception en faveur de sa pistole d’or et de sa pièce de XXX sols d’argent aux deux bustes, toutes deux millésimées 1614. En revanche, tous les liards et doubles tournois de cuivre, au nom et à l’effigie de François de Bourbon, sont décriés en ces termes : LES PREMIERS DOUBLES TOURNOIS DE LA PRINCESSE DE CONTY

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