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Bulletin Numismatique n°207 24 M ichelangelo FLORIO serait né à Messine en Sicile en 1564. Son père Giovanni FLORIO était un médecin juif ; sa mère Guglielma CROLLALAN- ZA était issue de la noblesse sicilienne. Le jeune Michelan- gelo, enfant prodige, passionné de littérature, écrit des re- cueils de proverbes, et une comédie intitulée « Tantu trafficu ppi nenti » (beaucoup de bruit pour rien) publiée en 1579 par les frères Spina de Messine. À cette époque, la Sicile subit le joug de la couronne d’Espagne et de la Sainte Inquisition. Ferdinand le Catholique par l’édit de 1492 chasse les juifs et confisque leurs biens. Ce souverain n’est pas contemporain de Michelangelo, mais son importance dans l’histoire et en nu- mismatique est telle qu’il mérite qu’on lui porte quelque at- tention. Ferdinand II dit le Catholique [1452-1516] est le fils de Jean II d’Aragon ; il est sacré roi de Sicile en 1468 et sera roi de Naples en 1503. Il épouse Isabelle, fille du roi Jean II de Castille en 1469. En 1474, Isabelle accède au trône de Castille. À la mort de son père, en 1479, il ac- cède au trône d’Aragon et c’est ainsi que le couple royal va régner sur le royaume unifié d’Aragon et de Castille. Isabelle et Ferdinand vont avoir un rôle prépondérant sur la destinée de l’Espagne. Leur lutte contre les Maures conduira à la reconquête de la ville de Grenade [1492], dernier bastion musulman, mettant ainsi un terme à sept siècles de présence du pouvoir islamique en Espagne. Sous leur règne, l’inquisition prend son funeste essor dès 1480 et c’est sous leur égide que Christophe Co- lomb lance en 1492 son expédition vers le Nouveau Monde, permettant à l’Espagne d’accéder à des richesses colossales et à un vaste empire colonial. En Castille, la monnaie d’or était le castellano, en Aragon la seule monnaie d’or était le florin. Il fallait uniformiser les poids et les titres des monnaies en circulation. Le royaume unifié devait se doter d’un système monétaire pragmatique, moderne, à la hauteur de ses prétentions. Le 2 juin 1497, la Pragmatica de Medina del Campo établit un nouveau système monétaire pour le royaume unifié d’Aragon et de Castille comportant : L’excelente de la Granada ou ducado en or qui remplace le castellano et le florin. Il pesait 3,521 g, 23¾ carats (3484,442 g or pur) et valait 375 maravédis (mrs). Dès 1537, Charles Quint remplace l’excellente d’or par une monnaie légèrement plus faible, l’escudo, mais qui vaut toujours 16 réaux. Le ma- ravédis, qui était à l’origine une monnaie des Almoravides, est le nom donné à des monnaies de valeurs différentes, mais sur- tout de billon, frappées en Espagne pendant les derniers siècles du Moyen Âge et remplaçant largement le denier comme base du système de compte. Le réal d’argent est l’unité monétaire de base. Il équivaut à 11 dineros (deniers) et 4 granos (grains), XIdIVg, pour une masse de 3,434 g (3,195 g argent pur) et un diamètre de 25 mm. Le réal (R) vaut 34 maravédís (mrs). Le maravédis, qui était l’unité monétaire en Espagne depuis le XI e siècle, devient une fraction du réal. Il faut 16 réaux pour faire un écu d’or. La stabilité de son change, de son poids et de son titre est garantie par la couronne qui devient l’unique responsable de l’émission. Ainsi, chaque pièce doit comporter, outre le nom du roi, le sigle de l’atelier émetteur et du graveur. Le réal de ocho ou duro d’argent de 8 réales a une masse théorique de 27,194 g, soit 21 deniers et 8 grains, XXIdVIIIg, un denier vaut 24 grains et un grain vaut 0,053 g 1 . Cette pièce vaut un demi-écu d’or. La blanca vaut 7 grains, ½ mrs et pèse 1,198 g. Le blanc est fait d’un alliage de cuivre et d’argent qu’on appelle billon, vellón en espagnol. Le blanc est un terme employé au bas Moyen Âge, dans un sens général, pour des pièces de billon de bon titre, en opposition aux pièces de bas billon qu’on appelait monnaies noires. On compte encore le cuartillo (8 mrs), le cuarto (4 mrs) et l’ochavo (2 mrs). L’unité de base, le réal et plus particulièrement le réal de ocho, vont connaître un destin extraordinaire. Par leurs qualités, ils vont s’imposer en Europe puis dans les colonies, avant de se répandre et d’être utilisés dans le monde entier jusqu’au XIX e siècle. L’Espagne, dès 1535, ouvre des ateliers moné- taires au Mexique, à Lima en 1568 et à Potosi en 1574, afin de produire des pièces d’argent dont les types refléteraient le nouveau prestige de l’Espagne à travers tout le nouveau conti- nent et les nouvelles colonies. Sur ces pièces figurent alors les colonnes d’Hercule qui symbolisent les portes de l’océan At- lantique avec le détroit de Gibraltar, et l’inscription latine PLUS ULTRA. Les pièces de huit réaux, étant les plus faciles à produire dans ces ateliers qui disposaient de grandes réserves d’argent, deviennent rapidement les espèces les plus frappées, et ce serait près de 450 millions de pièces d’argent qui au- raient été exportées par galions vers l’Europe et les colonies espagnoles au cours du XVI e siècle. Le real de ocho devient ainsi la pièce la plus communément admise et utilisée dans bon nombre de nouvelles provinces et en Europe, car en l’ab- sence d’or ou parfois même de monnaie officielle, cette pièce offre une valeur libératoire importante, la teneur en argent étant garantie par la couronne d’Espagne. Pour toute l’Amérique, le real de ocho devient une référence telle que son poids sert de norme pour estimer la valeur de toutes les pièces rencontrées sur le marché, qu’elles soient des imitations ou des frappes de mauvaise qualité. Ainsi, le real de ocho est rebaptisé peso duro alors que toutes les monnaies sont appelées pesos sans tenir compte de la valeur faciale, car toutes les monnaies étaient pesées pour en estimer la valeur. Le succès du real de ocho en Amérique et en Espagne coïncide aussi avec l’expansion du thaler de Bohême, province qui fait partie de l’empire des Habsbourg depuis que Ferdinand I, frère cadet de Charles Quint, a été élu roi de Hongrie et de Bohême en 1526. Les liens avec la couronne espagnole sont donc évidents depuis que Charles Quint, déjà roi d’Espagne, a été élu empereur en 1519. La Monnaie Magazine 1 Le grain est une unité de poids mais aussi de titre. Le poids du grain d’une plante quelconque choisi comme base du système pondéral. La plupart des systèmes employés en Europe ont eu pour base soit le grain d’orge (0,065 g), soit le grain de blé (0,05g). Le grain de Troyes (0,065 g), encore employé en Grande Bretagne (troy grain), appartient au premier système, le grain de Paris (0,053 g) au second. En ce qui concerne le titre des métaux précieux, le grain est aussi une fraction du carat ; il varie cependant selon le pays : 1/12 de carat en France et ¼ de carat en Angleterre, mais 1/20 de de- nier dans les deux pays. Le carat était à l’origine le poids d’un grain de carou- bier, dont l’équivalent moderne est 0,189 g. MICHELANGELO FLORIO ET LE MONNAYAGE DE SON ÉPOQUE

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