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Bulletin Numismatique n°207 20 L e 22 juin 1583 fut créé par Henri III un liard de billon valant trois deniers tournois, au type dit à la « croix du Saint-Esprit ». Cette pièce fut alors frappée de 1583 à 1587, date d’abandon de sa fabrication, jusqu’à sa réappari- tion tout à fait inattendue sous Louis XIV en 1655 avec un autre motif. Toutefois, ce liard dit à la « croix du Saint-Esprit » fut immé- diatement imité dans la principauté de Dombes par les princes de Bourbon, ducs de Montpensier en Auvergne, qui étaient cousins du roi. De ce fait, ils furent autorisés à faire circuler en France leurs monnaies d’or et d’argent et ils n’eurent pas de scrupules à faire de même avec leurs monnaies de billon et de cuivre. C’est ainsi que les Bourbon-Montpensier firent frapper dès 1584 dans leur atelier de Trévoux-sur-Saône, capitale de la principauté de Dombes, leur liard dombiste. La fabrication de celui-ci fut assurée sans discontinuer jusqu’en 1679 lorsqu’à la suite de la Déclaration du 28 mars 1679, une lettre de cachet de Louis XIV, inspirée et contresignée par Colbert, provoqua l’abandon de la frappe en raison de la réduction de la valeur des liards à 2 deniers en France. Sur le liard dombiste, la croix du Saint-Esprit, propre au liard de Henri III, avait été remplacée par une croix pattée feuillue , ne montrant qu’une vague ressemblance avec une croix du Saint-Esprit, car la colombe en avait été exclue. C’est pour- quoi nous ne pouvons que récuser les affirmations de Jean Duplessy lorsqu’il écrit « liard au Saint-Esprit » et « croix de l’ordre du Saint-Esprit », ces affirmations étant manifeste- ment fausses 1 . La raison de l’importante fabrication continue de liards de billon de Dombes à partir de 1584 est simple. Le magistrat, futur conseiller à la Cour de cassation mais alors jeune substi- tut, Philippe Mantellier l’explique parfaitement en 1844 dans son magistral ouvrage sur les monnaies de Dombes, resté iné- galé à ce jour (cf. bibliographie), pp. 50-51 et 73-74. Cette espèce dombiste était très prisée dans les échanges commer- ciaux à Lyon et dans le Lyonnais, territoires naturels de diffu- sion de cette monnaie, et même dans les provinces proches : Beaujolais, Bourgogne, Bresse, Valromey, Bugey, Vivarais, Dauphiné et même Auvergne. Le succès de ce liard de Trévoux, auquel s’opposa vainement le Parlement de Dijon selon Mantellier, entraîna même la fa- brication d’autres liards imités similaires, notamment à Orange et en Avignon. Pendant une courte période, de 1649 à 1654, la fabrication des liards de billon à Trévoux est considérablement réduite puis pratiquement suspendue, au bénéfice d’une autre fabri- cation, alors beaucoup plus rentable, celle des deniers de cuivre imités du denier royal de cuivre de Louis XIV créé en 1648. Ce denier tournois royal est imité massivement à Tré- 1 DUPLESSY 2010, pp. 317-333, n°2951, 2962, 2970, 2977, 2991, 3014. Moins imprégné d’idéologie que J. Duplessy, Jean-Paul Divo ne com- met pas la même faute. voux en Dombes, Orange, Arches-Charleville et Cugnon en Ardenne. La prolifération de ces imitations amène le gouver- nement de Louis XIV, c’est-à-dire Mazarin et Fouquet, à or- donner leur décri qui est prononcé par un arrêt du Conseil d’État rendu le 4 juillet 1653 suivi d’un arrêt confirmatif de la Cour des monnaies le 20 août. Si, apparemment, à Arches-Charleville et à Cugnon on s’in- cline 2 , en revanche à Trévoux et à Orange on se remet à frap- per massivement des liards de billon en remplacement des deniers tournois de cuivre décriés. La création du premier liard de billon de Lyon en mai 1655 (fig.1) Au début de l’année 1655, la prolifération de ces liards imités à Trévoux et à Orange, revenus en grand nombre à Lyon et aux alentours, suscite des difficultés chez les commerçants lyonnais. Les bouchers et les boulangers notamment se plaignent d’être payés avec des liards de billon dont leurs fournisseurs ne veulent pas. A la suite de ces doléances, le Consulat de Lyon émet le vœu, le 13 avril 1655, que les an- ciens liards français de billon (ceux de Henri III et les anté- rieurs) aient cours pour 3 deniers et que les liards étrangers (Dombes, Orange, Avignon, etc.) n’aient cours que pour 2 deniers seulement. Deux jours plus tard, le 15 avril, la sénéchaussée de Lyon prend une ordonnance instituant le cours forcé des vieux liards de France pour la valeur de 2 deniers pièce, soit six pour un sol (douzain). Deux jours encore après, le 17 avril, les marchands de blé re- fusent de prendre les vieux liards français à ce prix de 2 de- niers. Les boulangers menacent alors d’arrêter la fabrication du pain. Pour sortir de cette impasse, le Consulat de Lyon décide que le blé sera payé pour moitié en bonne monnaie et pour moitié en liards de billon au cours de 2 deniers. La ville de Lyon s’engage à supporter seule la perte résultant de l’abaissement du cours des liards à 2 deniers. La situation est bloquée localement. Seule une décision gou- vernementale peut la débloquer : ce sera la création du premier liard de billon de Lyon en mai 1655 . Pour le gouvernement royal, un telle décision, exceptionnelle et sans précédent 3 , est difficile à prendre. En effet, par ordon- nances du 30 avril et du 1er juillet 1654, il vient de créer un liard de cuivre dont la fabrication était prévue depuis 1649 mais reportée plusieurs fois en raison de la Fronde. Ce liard de cuivre nouveau, qui vaut 3 deniers comme le liard de bil- lon, vient directement en concurrence avec le liard de billon. Pour Lyon et le Lyonnais, ainsi que pour les provinces proches énumérées plus haut, la fabrication de ce liard de cuivre est prévue dans un atelier spécial dit « fabrique de liards » à Vi- my-en-Lyonnais, aujourd’hui Neuville-sur-Saône, localité si- 2 A Arches-Charleville, on imitera le nouveau liard de cuivre créé en juillet 1654 (voir plus loin). 3 Bien que Henri IV ait fait frapper à Chambéry en 1601 un liard de billon pendant l’occupation de la Savoie par la France, on ne peut parler de véri- table précédent puisqu’il s’agissait d’une monnaie d’occupation temporaire. MONNAIES DE LOUIS XIV LES TROIS CURIEUX LIARDS DE BILLON DE LYON (1655-1656)

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