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Bulletin Numismatique n°206 28 MONNAIES ROYALES INÉDITES LE QUART D’ÉCU DIT « AUX TROIS COURONNES DE LOUIS XV » FRAPPÉ EN 1715 À MONTPELLIER (N) N ous avons le plaisir de vous présenter dans la pro- chaine Live auction de mars 1715 un quart d’écu dit « aux trois couronnes de Louis XV » frappé en 1715 à Montpellier (bry_644015, 7,61 g, 28,5 mm, 6 h.). Cette monnaie est a priori unique. Il s’agit de l’exemplaire de la collection du commandant Auguste Gaston Pierre Babut de Rosan dispersée par Émile Bourgey les 28 mars-1 er avril 1927 (n° 817 du catalogue). Cette monnaie pourtant illustrée dans le catalogue de vente de 1927 est longtemps passée sous les radars. En 1986, Bruno Collin, dans son ouvrage consacré à la Monnaie de Montpellier, p. 270, ne la mentionne pas et attribue toutes les productions d’argent de Montpellier de l’année 1715 à l’effigie de Louis XIV. Frédéric Droulers, dans l’édition 1998 de son Répertoire , n° 552, p. 534, ne la connais- sait pas non plus, mais supposait à juste titre la frappe de quart d’écu aux trois couronnes à l’effigie de Louis XV à Montpellier en 1715. Cet auteur a même livré un chiffre de frappe de 7 199 exemplaires tout en précisant en note « Frappe possible à l’effigie de Louis XV d’après les dates des 5 délivrances qui ont eu lieu du 7 décembre au 31 décembre 1715 ». Dans l’édition de 2012 de son Répertoire , n° 762, p. 733, Droulers la mentionne enfin assortie de cette note : « Un spécimen au C.D.M. provenant de la collection Babut (1927) ». Nous rassurons le lecteur, cette monnaie n’a jamais figuré dans les collections du Département des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il s’agit d’une erreur de Droulers qui, dans cette dernière édi- tion, lui assigne au passage une quantité de frappe de 17 099 exemplaires ! Une telle monnaie mérite que l’on se penche sur son histoire, d’autant plus que nous avons pu retrouver de nombreux do- cuments d’archives s’y reportant. La série d’argent dite « aux trois couronnes » a été frappée à partir de 1709, sous le règne de Louis XIV dont elle présente le buste. Après le décès du Roi-Soleil survenu le 1 er septembre 1715, il convenait de pla- cer sur les monnaies l’effigie du nouveau souverain, Louis XV. La gravure fut naturellement confiée au graveur général Jo- seph Roëttiers. Pour l’argent, en 1715, il ne put graver que les bustes de l’écu et du quart d’écu, le demi-écu aux trois cou- ronnes à l’effigie de Louis XV n’ayant jamais été frappé. Le 23 novembre 1715, le graveur général Joseph Roëttiers remit, entre autres, au greffe de la Cour des monnaies de Paris « douze poinçons de teste de quarts d’écus [à] l’effigie du nou- veau roy Louis Quinze pour envoyer dans les Monoyes du royaume par le greffier de la Cour après qu’il auront esté pré- sentez à ladite Cour en la manière accoustumée ». Le jour même, furent retirés deux poinçons certainement destinés à la Monnaie de Paris (AN, Z 1b 349). Le quart d’écu aux trois couronnes de Louis XV n’est connu que pour trois ateliers : Aix-en-Provence, Paris et Montpellier. Le poinçon d’effigie destiné à la Monnaie de Montpellier fut expédié de Paris le 26 novembre 1715 et arriva à Montpellier le 4 décembre : « Du quatrième décembre mille sept cent quinze, savoir faisons qu’en présence du sieur Louis Brodu, tailleur et graveur de la Monnoie de Montpellier, que sieur François Luquel, commis au bureau des postes de cette ville nous a remis trois poinçons mar- qués des deux lettres RR, envoiée de Paris par Monsieur Geudré, conseiller secrétaire du roy, greffier en chef de la Cour des mon- noies de Paris suivant sa lettre du vingt-six novembre dernier addressée aux juges-gardes de la Monnoie de Montpellier, savoir un poinçon d’effigie pour les écus de trois livres dix sous, un autre poinçon d’effigie pour les quarts d’escu de dix-sept sous six deniers et un autre poinçon d’effigie pour les louis d’or de quatorze livres pour la fabrication des espèces qui doivent estre monnoiées à l’effigie de Louis quinzième en aiant deschargé ledit Luquel est tous autres et nous sommes signés. Campan, juge-garde. Nissolle, juge-garde, Brodu, Luquel » (AD Hérault, 3B 8). Il est intéressant de noter que ces poinçons originaux portent les lettres RR, initiales du nom du graveur général Roëttiers. Le jour même de l’arrivée du poinçon, Louis Brodu, le gra- veur particulier de la Monnaie de Montpellier, réalisa à l’aide du nouveau poinçon quatre carrés de droit : « Du quatriesme décembre a esté frapé 4 testes pour les quarts d’escu du nou- veau poinçon de louis quinze et ledit point retiré. Nisolle, juge-garde. Brodu » qui furent remis deux jours plus tard au prévôt des monnayeurs : « Du sixième dudit les quatre testes pour les quarts d’escu mentionnées cy-contre ont esté remises. Nissole, juge-garde. Brodu. ». Le 9 décembre 1715, Brodu grava neuf nouveaux carrés de droit pour les quarts d’écu à l’effigie de Louis XV qui furent remis le 14 aux monnayeurs. Le différent de Brodu, une tour, se retrouve sur le quart de Babut de Rosan après DOMINI. L’étoile à cinq rais placée sous le buste est le différent du directeur Jean Guillot. Des flans de quarts d’écu furent remis aux monnayeurs les 6, 14, 20 et 31 décembre afin d’être monnayés et marqués sur la tranche (AD Hérault, 3B 17). Une fois les monnaies frappées, les monnayeurs les remirent en quatre fois aux juge-gardes de la Monnaie de Montpellier : 3 456 le 7 décembre, 2 271 flans le 14, 4 180 le 20 et 3 880 le 31 décembre (AD Hérault, 3B 17). Il appartenait ensuite aux juge-gardes de contrôler les poids, titres et qualité de frappe. Les espèces défectueuses était rebutées avant d’être refondues, les autres étaient passées en délivrance, c’est-à-dire jugées bonnes pour être mises en circulation. Le 7 décembre, sur les 3 456 monnaies frappées, un exemplaire fut mis en boîte et 579 ont été rebutés, ainsi seuls 2 876 quarts d’écu purent être mis en circulation. « Dudit jour a esté délivré deux mil huict cents soixante seize quarts d’escu de dix-sept sous six deniers, dont un emboëtté, val- lant deux mille cinq cens seize livres dix sous, foibles d’un demi- gros en trois marcs pesant quatre-vingts-neuf marcs cinq onces

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