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Bulletin Numismatique n°206 24 LES MONNAIES CONTREFAITES DE 4 SOLS OU PATARDS ET DE 3 KREUTZERS À LA LÉGENDE ROK (1617-1619) : OÙ FURENT- ELLES FRAPPÉES ? D epuis 1885, lorsque la première monnaie de 4 sols ou patards à la légende ROK fut publiée par Arthur Engel dans la Revue Numismatique (RN) , publica- tion complétée en 1886 dans la même revue par celle d’une pièce de 3 Kreutzers, ces deux pièces étant insérées dans une étude d’ensemble en trois articles consacrés aux Imitations monétaires de Château-Renault ( RN 1885, 1886 et 1887), étude qui fait encore autorité malgré son ancienneté, beau- coup d’auteurs et de collectionneurs se sont penchés sur cette énigme sans pouvoir la résoudre. Que signifie cette mention ROK ? Que cache-t-elle ? Dé- signe-t-elle un atelier monétaire inconnu des Ardennes ayant fonctionné à la même époque (1617-1619) que les ateliers de la principauté de Château-Regnault et Linchamps dont trois sont connus : Château-Regnault et La Tour-à-Glaire dénon- cés depuis 1627 par le roi d’Espagne Philippe IV mais aussi Linchamps sur la Semoy dont j’ai établi l’existence avec Alain Tissière dans les années 1990. ROK est-il un quatrième ate- lier de cette principauté, créé et utilisé par Paul Manlich pen- dant sa maîtrise de la Monnaie de la principauté ? Ou bien ROK désigne-t-il Rochefort-en-Ardenne, fief de la famille de Löwenstein-Wertheim-Rochefort qui possédait les terres sou- veraines de Chassepierre-Cugnon en bordure de la Semois (côté belge) 1 ? On connaît des monnaies de cette famille, des escalins au lion millésimés 1626, des doubles tournois des années 1633 à 1636, des deniers tournois des années 1650… Ou bien s’agit-il encore de Roche-sur-Welz dans le Grand- duché de Luxembourg ? Ou pourquoi pas, la ville de Rec- kheim sur la Meuse, près de Maastricht, bien que l’on connaisse une fabrication parfaitement légale et régulière de pièces de 4 sols ou patards de Reckheim, répertoriée dans le Tarif Verdussen de 1627 (p. 245) ? On le voit, l’embarras est grand et depuis 1885-1887 on n’a pas progressé. Écrivant en 1985, Jean-René De Mey, dans Les monnaies ardennaises, classe ces deux pièces au chapitre Rochefort et Cugnon (pp. 97-106) : la pièce de 4 sols ou patards à l’atelier de Rochefort (N1 et 2) et celle de 3 Kreutzers également (N5). L’auteur n’explique pas son choix, indiquant simplement que de la fausse monnaie fut fabriquée jusqu’en 1622 à Rochefort et ensuite à Cugnon, localité baignée par la Semois. Même les Italiens se sont impliqués dans une attribution manifeste- ment fallacieuse à Ronco : j’en discute plus loin. Correspondant régulier d’Arnaud Clairand et de moi-même, notre ami Robert Ronus, excellent collectionneur aux Etats- Unis de monnaies seigneuriales françaises des Temps Mo- dernes et qui agit beaucoup pour faire connaître aux États- Unis ces monnaies insuffisamment étudiées, me demande si j’ai quelques idées concernant les monnaies non identifiées à la légende ROK. J’en ai naturellement, travaillant sur les 1 Pour la même rivière, nous écrivons Semoy en France et les belges Se- mois. monnaies de Château-Regnault et Linchamps depuis 1986, mais je n’ai pas encore trouvé la solution. Voici toutefois les informations qu’il m’est agréable de communiquer à tous ceux qui s’intéressent à cette énigme. figure 1 Dans la RN 1885 (pp. 296-315 et planches XII et XIII), Ar- thur Engel, après avoir passé en revue 21 pièces qu’il attribue à l’atelier de Château-Regnault (n°1 à 19b), évoque ce qu’il appelle des « ateliers incertains ». Son n°20 et planche XIII n°6 est ainsi consacré à une pièce de 4 sols ou patards à la lé- gende MONETA-NOVA-ARG-ROK à l’avers et SVB-UM- BRA-ALARVM-TVARVM au revers que l’on peut traduire : « monnaie nouvelle d’argent de ROK » à l’avers et « sous l’ombre de tes ailes » au revers. Engel en connaît 2 exem- plaires dans la célèbre collection alsacienne Nessel et il in- dique que cette pièce figure dessinée dans un décri des cercles de Souabe, Franconie et Bavière des 5-15 octobre 1618 avec la mention « monnaie inconnue, nouvelle, et à bas titre, qui s’est glissée parmi les pièces de 3 batz » 2 alors que sa valeur est bien moindre (fig . 1). Engel indique aussi qu’une pièce simi- laire figurait dans le Tarif Verdussen de 1627 avec une disposi- tion de légende différente, ROK écrit ROC figurant après SVB. VMBRA. ALARVM. TVARVM. Dans ce Tarif Verdus- sen (p. 272), cette pièce inconnue est indiquée comme « solz de Campen contrefaicts » (fig. 2). De fait, si l’on compare cette pièce inconnue à la pièce de 4 sols ou patards de Campen dessinée p. 242 dans le même tarif (fig. 3), on s’aperçoit que les armoiries de Campen sont parfaitement imitées, à l’excep- tion de la présence d’un petit lis au lieu d’une tour dans le 4 e petit quartier, ainsi que de trois lis dans le 4 e quartier. J. R. De Mey publie les deux exemplaires : celui d’A. Engel dont il ne connaît que le dessin (p.98 N1) et celui du Tarif Verdussen dont il publie la photo d’un exemplaire figurant dans une collection privée (p. 98, N2). Cette monnaie du Tarif Verdussen 1627 figure également dans le Tarif Verdussen 1633 avec la mention à nouveau « Solz de Campen contre- faicts », la pièce de Campen étant dessinée plus haut. Dans la RN 1886, Arthur Engel publie p. 397 n°13 avec vi- gnette une pièce de 3 Kreutzers conservée à l’époque dans la collection Henri Meyer, seul exemplaire rencontré par Engel. La pièce montre trois petits écus, séparés par des feuillages, montrant respectivement une tour , un lion et six fusées , le tout entouré de la légende MONETA. NOVA. ARG. ROK. Au revers, nous avons la légende SVB. VMB. ALARVM. TVARV entourant un aigle impérial à deux têtes portant en cœur le chiffre 3 dans un cercle. J. R. De Mey classe cette pièce à Rochefort (p. 99 N5) (fig. 4). 2 Batz ou batzen, c’est la même chose = 12 Kreutzers. MONNAIES ARDENNAISES CONTREFAITES : LE MYSTÈRE DE ROK

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