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Bulletin Numismatique n°205 22 P eu avant sa mort, survenue en août 1672, Jean Warin grave pour deux ateliers, Paris et Toulouse, un nouveau poinçon d’effigie pour les écus de 60 sols, inspiré du portrait qu’il avait déjà introduit sur des jetons depuis plu- sieurs années à l’occasion de la guerre dite « de Dévolution » (1667-1668) terminée par la paix d’Aix-la-Chapelle en 1668. Ce portrait est celui de Louis XIV en tenue militaire de son temps, en uniforme de général en campagne, portant la cui- rasse, au-dessus de laquelle sort une cravate entourant le cou. Ce portrait rompait avec les effigies précédentes de Louis XIV inspirées de l’Antiquité. Il est dit « à la cravate » avec juste raison car l’inventaire effectué après le décès de Jean Warin fait état de carrés montrant le portrait du roi « avec une cra- vate ». Warin introduisit ce nouveau portrait après le 6 avril 1672, date de l’entrée en guerre de la France contre la Hollande. Jusqu’alors il avait encore gravé des effigies de pièces de 30 sols millésimées 1672 avec un portrait dit « juvénile » révisé en 1670. Mais l’adoption du portrait guerrier, jusqu’alors li- mité aux jetons, devenait particulièrement opportune après cette nouvelle entrée en guerre qui, pensait-on alors, consa- crerait un nouveau triomphe militaire de Louis XIV. En 1668, un essai avait déjà été réalisé, avec le portrait militaire des jetons, mais il était resté sans suite. On n’a pas encore retrouvé un seul exemplaire des pièces de 60 sols frappées à Paris avec le nouveau portrait de Jean Warin dit « à la cravate » en 1672. Tous les exemplaires jusqu’à pré- sent retrouvés avec ce millésime ont été gravés après la mort de Warin par Dufour commis à cet effet par la Cour des mon- naies. Le 4 août 1672, quelques jours seulement avant sa mort, Warin déposa au greffe de la Cour des monnaies un poinçon d’effigie pour les pièces de 60 sols destinées à la Monnaie de Toulouse. Celle-ci avait été rouverte en 1666 dans le cadre de la régie générale de Claude Thomas. Toutefois, cet atelier ne frappait pas de monnaies d’or ni de pièce de 60 sols, sans doute en l’absence d’un balancier suffisamment puissant pour pouvoir frapper cette espèce d’environ 27 grammes. Puisque la Monnaie de Toulouse n’avait pas l’usage possible de ce poinçon d’effigie et qu’elle avait des relations avec les ateliers béarnais évoquées en 1893 par Adrien Blanchet dans son Histoire monétaire de Béarn , j’ai formulé en 1994 au Jour- nées numismatiques de Toulouse l’hypothèse, non démentie depuis, selon laquelle ce poinçon aurait été transmis par la Monnaie de Toulouse à celle de Saint-Palais en vue de frapper l’écu de 60 sols dit « la cravatée ( BSFN , juin 1994, p. 888- 892). À l’époque, l’atelier de Saint-Palais ne frappait que des pièces de 60 sols. Françoise Dumas, dans son étude toujours valable sur les monnaies béarnaises ( RN 1959-1960, p. 297-334), indique p. 305 qu’en décembre 1671 « une enquête fut me- née sur quelques justes soupçons de fausse monnaie fabriquée dans la Monnaie de Saint-Palais et amena la saisie d’une par- tie du matériel ». Il est alors possible que les poinçons d’effigie du roi ou les carrés frappés avec ces poinçons aient été enlevés de l’atelier, d’où la nécessité de disposer de nouveaux poin- çons pour reprendre la frappe de la pièce de 60 sols. Quand on examine bien l’écu de Saint-Palais « à la cravate » millésime 1672, on s’aperçoit que non seulement le portait est nouveau mais aussi l’écusson du revers. En effet, il montre les armes de Navarre sous la forme de chaînes réunies alors que l’habitude avait été prise depuis des années de remplacer ces chaînes par de simples points fermés tandis que les chaînes montrent des annelets ouverts. L’écu de 1672 est donc une pièce totalement nouvelle par rapport aux précédents écus frappés à Saint-Palais depuis 1652. Le blason lui-même est un UN NEUVIÈME ET BEL EXEMPLAIRE DE L’ÉCU DE LOUIS XIV, DIT « À LA CRAVATE », FRAPPÉ À SAINT-PALAIS EN 1672

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