cgb.fr

Bulletin Numismatique n°204 17 LE COIN DU LIBRAIRE BILLETS EN GUERRE 1938-1948 D éjà auteur du très remarqué ouvrage Les billets secrets de la Banque de France , Jean-Claude Camus nous propose cette fois-ci Billets en guerre 1938-1948 . Cet ouvrage couvre les années difficiles qui vont des prémices de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à la reconstruction d'après- guerre. Cette décennie s'avère difficile pour les Français confrontés à la course à la guerre, à la mobilisation, à la dé- faite puis au joug de l'occupation. Aux destructions de 1940 s'ajouteront celles de la Libération en 1944. C'est un pays exsangue et meurtri qui sort de ce terrible conflit. Saignée par les prélèvements allemands durant l'occupation, coupée de son empire, victime d'un nombre inédit de destructions, la France peine à se relever. Et pourtant c'est une nécessité pour tout un peuple qui a beaucoup souffert et souhaite revivre. Au niveau économique, la Banque de France joue un rôle majeur tant en qualité d'acteur macro-économique qu'en qualité d'émetteur de billets, le sujet de ce livre. Dès l'avant-guerre, la pression économique est forte. Les craintes de pénurie de billets qui conduisent à l'émission de billets « de secours », les fameuses coupures de 300 francs et 3000 francs, mais aussi les travaux préparatifs pour des billets de 5000 francs et 10000 francs. L'immédiat avant-guerre, c'est aussi la crainte d'une déstabilisation monétaire au travers de faux allemands. La défaite de 1940 est rapide et désorganise la circulation monétaire. Les termes de l'armistice sont durs et très favo- rables à l'Allemagne. Les frais d'occupation exigés sont exor- bitants et le taux de conversion du Reichsmark passe de 11 à 20 francs ! Suite à l'effondrement des armées alliées, la pénu- rie de billets est criante et les villes ou départements sont ré- duits à imprimer leurs propres billets. Le travail de la Banque de France sera de rétablir au plus tôt l'approvisionnement en billets. Mais le principal souci de la Banque de France sera de se sous- traire de la politique de prévarication de l'Allemagne nazie, à commencer par les immenses réserves d'or qui sont transfé- rées en Afrique du Nord puis au Sénégal dès juin 1940. Ja- louse de son indépendance en temps de paix, la Banque de France tente de maintenir cette indépendance face aux auto- rités d'occupation et à celles de Vichy qui tentent de ménager l'occupant. Rappelons que la Banque de France reste alors une institution privée qui ne sera nationalisée que le 1er jan- vier 1946 par le général de Gaulle. Au cœur des préoccupa- tions figurent donc l'iconographie des billets qui ne doit froisser ni l'occupant, ni le gouvernement de Vichy tout en respectant la légendaire neutralité de la banque, ainsi que la nécessité de disposer de billets de réserve pour un « après » qui tarde à venir. Parallèlement, la France Libre parvient à rallier de plus en plus de territoires de l'Empire français et met en place des institutions financières propres avec la fabrication et la mise en circulation de leurs propres billets. Les territoires restés fidèle à Pétain doivent aussi compter sur leurs maigres moyens pour assurer l'émission de billets de circulation. De leurs côtés, les mouvements de la Résistance intérieure de plus en plus actifs cherchent à se financer, et comme les ré- serves de billets français détenus en Angleterre et en Irlande sont limités, les maquis se livrent à de rocambolesques réqui- sitions auxquelles les succursales et convois de la Banque de France n'échappent pas. La libération de la France n'est pas sans poser de problèmes. Soumise aux derniers pillages allemands, la banque de France doit aussi assurer l'avenir et parer la pénurie de billets. Les très controversés billets américains sont mis en circulation mais sont loin de satisfaire l'orgueil national de la population, et des nouvelles autorités d'autant plus qu'ils sont facilement falsifiés par les très nombreux imprimeurs clandestins aguer- ris par les années de résistance. Ils sont progressivement rem- placées par la Banque de France qui procède à des vastes opé- rations d'échange. Deux nombres permettent de mieux mesurer l'ampleur de ce bouleversement : en 1938, les Fran- çais de métropole disposaient de quatre coupures pour leurs transactions. A la fin de la guerre, ce sont vingt-sept coupures différentes qui circulent. L'auteur, Jean-Claude Camus a le bonheur d'être le respon- sable des collections numismatiques au service du Patrimoine historique et des archives de la Banque de France. C’est donc fort de la richesse des collections de billets et d'épreuves ainsi que des archives de la Banque de France qu'a été rédigé et il- lustré cet ouvrage. Le lecteur découvrira de nombreux billets et épreuves inédits tels que le projet du 10 Francs « fantassin » de 1939 par Lucien Jonas ou celui du billet Vauban. Les ar- chives sont tout autant riches et passionnantes, voire amu- santes, comme ce bon de réquisition d'un groupe de résistants FTPF-FFI sur lequel est inscrit « toute la caisse de la Banque de France » en lieu et place du montant réquisitionné, une réquisition qui tient plus du braquage que de la simple réqui- sition ! Ouvrage illustré de l'histoire du billet français sur cette pé- riode bien précise, ce livre est passionnant et se lit avec plaisir. Le format est agréable et la mise en page soignée. Les illustra- tions en couleur sont très nombreuses et de qualité. Enfin, le prix est très raisonnable. Que demander de plus ? Billets en guerre 1938-1948 par Jean-Claude Camus, Paris 2020, broché (18,8 x 24,1 cm) 136 pages, 19,90 €. Déjà paru, du même auteur : Les billets secrets de la Banque de France , Paris 2017, relié, (19,5 x 24 cm), 96 pages, illustrations en couleur, 18 €. Laurent COMPAROT

RkJQdWJsaXNoZXIy MzEzOTE=