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Bulletin Numismatique n°201 30 I l y a quelques temps, un brocanteur mayennais eut la bonne fortune de découvrir dans un meuble de métier , déniché dans une ancienne usine, le fonds d’atelier d’un fabricant de ces innombrables petites médailles religieuses, souvent en aluminium, vendues en nombre aux pèlerins ve- nus témoigner leur foi dans quelque haut lieu miraculeux. C’est d’ailleurs de là que ces petits objets de dévotion tirent leur nom de médailles miraculeuses . Généralement pourvues d’une bélière, ces médailles étaient volontiers accrochées au chapelet de prières. Malheureusement, il ne nous a pas été possible d’identifier l’entreprise en question 1 , mais on peut cependant en dater sans mal l’activité des années 1870 à 1920 environ. L’ensemble comprenait plus de deux cents outillages comme des coins et surtout des poinçons. Rappelons que les poin- çons sont des matrices métalliques, souvent uniques, portant des motifs gravés en relief par taille directe devant être inscul- pés, c’est-à-dire imprimés en creux, dans les futurs coins. Cette étape, appelée enfonçage , est indispensable pour la créa- tion du coin qui, lui, servira à la frappe. Parmi ces poinçons, les portraits du Christ, de la Vierge Marie et de Jeanne d’Arc se comptaient par dizaines. Il y avait aussi beaucoup de vues d’édifices comme les sanctuaires de Lourdes, Lisieux et Sainte- Anne d’Auray ou encore le Mont-Saint-Michel. La majorité de ces poinçons était anonyme, mais certains étaient signés de grands noms tels Armand Auguste Caqué (1795-1881), Émile Dropsy (1846-1923) et Georges Pelletier-Doisy (1892- 1953), tous célèbres graveurs en médailles. Figure 1 Poinçon en acier représentant le miracle de Salaün ar Foll, après 1888. Sur le côté apparaît le nom VILLEMIN, industriel installé rue des Coutures Saint-Gervais à Paris. Celui-ci « forgeait les blocs d’acier, les trempait, les recuisait et louait les puissants balanciers dont ses clients [parmi lesquels Dropsy] avaient besoin pour le relevage et l’enfonçage » 2 . Long. 19 mm ; larg. 19 mm ; h. 29,5 mm ; p. 67,56 g. © Suffren Numismatique – Nantes Un poinçon, portant la mention SALAUN, a immanquable- ment attiré mon attention (figure 1)… Celui-ci représente un personnage auréolé couché, portant une croix sur le torse, un lys de jardin semblant sortir de sa bouche. L’interprétation de 1  Toute idée sera la bienvenue. Merci de m’écrire à gildas.salaun.nantes@ gmail.com 2  Extrait de Henri Dropsy, « L’art et les techniques de la médaille », à lire ici https://www.medaillescanale.com/ blog/l-art-et-les-techniques-de-la-medaille-par-henri-dropsy-b41.html cette curieuse iconographie, associée à l’inscription, ne fait aucun doute suppr « quant à son interprétation » : il s’agit d’une figuration du miracle de Salaün le Fou, en breton Sa- laün ar Foll . Figure 2 Le miracle de Salaün ar Foll, gravure de Pierre Péron (1905-1988), extraite du recueil La légende de « Salaün ar Foll » , édité par la galerie Saluden de Quimper en 1934. © musée de Bretagne – Rennes ; inv. 993.0024.37.5. Les récits divergent sur les détails, mais voici ce que l’on re- tient généralement de sa légende : Salaün ar Foll, qui serait né en 1310, était un mendiant répu- té simple d’esprit. On raconte qu’il vivait dans une clairière de la forêt près de Lesneven (Finistère). Il était alors appelé le fou du bois, car selon la légende, il habitait dans le creux d’un arbre de la forêt. On dit aussi qu’il assistait chaque matin à la messe avant de passer le reste de sa journée à mendier en répé- tant inlassablement Ave Maria, itroun guerhès Maria (Oh Marie ! Madame Vierge Marie !). À la Toussaint de l’An 1358, ce pauvre hère mourut dans l’indifférence absolue. On le re- trouva mort au pied de son arbre et c’est là qu’on l’enterra. Or, peu après on découvrit sur sa tombe un lys, fleur associée à Marie, sur lequel était écrit en lettres d’or : Ave Maria . En ouvrant sa tombe, on constata que le lys prenait racine dans sa bouche (figure 2). Ce miracle attira aussitôt les foules. En 1364, le prétendant au trône de Bretagne, Jean de Mont- fort (1345-1399), fit le vœu de bâtir un sanctuaire sur le lieu du miracle, alors rebaptisé Le Folgoët (littéralement le fou du bois ), s’il réussissait à vaincre son adversaire Charles de Blois (1341-1364). Peu après, Jean remporta la bataille d’Auray (29 septembre 1364) durant laquelle Charles de Blois trouva la mort. Cette bataille décisive mit fin à la guerre de succes- SOUVENIRS MÉTALLIQUES DE SALAÜN AR FOLL

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