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Bulletin Numismatique n°198 32 D ans tous les domaines, il y a des investisseurs à diffé- rents degrés, en bourse, immobilier, art… Certains domaines sont spécifiquement « réservés » aux in- vestisseurs comme la bourse, l’immobilier comme « alterna- tive » et en moindre mesure les objets d’art ou de collection. Alors qu’investir en bourse n’a aucune conséquence pour les non-investisseurs, l’immobilier par exemple pose problème, car l’immobilier est un bien de « consommation » et cela a un impact direct sur le niveau de vie ; une personne avec peu de moyens devra habiter là ou son budget le lui permet et en général c’est en périphérie de la ville. Pour investir dans des objets d’art ou de collection, il faut avant tout être attiré par la collection et il faut dans de nom- breux cas avoir les connaissances nécessaires. Bien évidemment, si vous en avez les moyens, vous pouvez acheter une peinture de Renoir sans rien y connaître mais unique- ment parce que vous avez de l’argent et que chez vous un des murs est vide ! Jusqu’aux années 80, la philatélie avait énormément de suc- cès, à tel point que des sociétés proposaient d’investir dans les timbres, avec soi-disant un retour sur investissement fabu- leux. C’est le cas en Espagne de Forum Afinsa qui a escroqué 300 000 « investisseurs » (plutôt des pigeons) avec plus de 3 milliards d’euros de pertes. Le point commun de tous ces « investisseurs » est qu’ils n’y connaissaient absolument rien en philatélie. Ils ont fait entièrement confiance et malheureu- sement, quand il s’agit d’argent, l’honnêteté n’est pas une priorité. Le même phénomène à une échelle bien moindre est apparu en France en numismatique dans les années 80/90, avec l’ap- parition de nombreux cabinets « d’experts » qui vendaient n’importe quoi à des prix extravagants. Dans ce cas aussi, les acheteurs n’y connaissaient rien en numismatique et ils y ont laissé des plumes ! La numismatique a été délaissée par les investisseurs et de nos jours, on ne retrouve pratiquement que des collectionneurs. Est-ce que vous achèteriez un kilo de pommes de terre à 10€ ? Si vous n’avez pas la moindre idée de ce que vous achetez, alors vous allez probablement perdre de l’argent ! Le domaine de la numismatique est très vaste. Il y a le choix du pays, de l’époque, du métal, la rareté, la qualité… ce qui fait qu’un domaine bien précis sera porteur alors que pour un autre ça sera tout le contraire. D’autre part, un domaine qui progresse fortement s’arrêtera à un moment et selon que vous aurez acheté au plus bas ou au plus haut, vous serez gagnant ou pas. Une personne investira très rarement, à quelques exceptions près, dans les monnaies modernes, c’est à dire à partir de 1930 et souvent avant, pour la simple raison qu’il y en a trop ! Lors d’un salon, si les exposants proposent tous plus ou moins le même type de matériel, pensez-vous réellement que ce ma- tériel va devenir rare et cher un jour ? C’est très peu probable. C’est exactement la même chose quand une personne achète un diamant d’une qualité moyenne et de très petite taille en espérant préserver son capital ou mieux encore, faire une plus-value. Dans le cas de la numismatique aux USA, le stock de mon- naies américaines est très important, avec de nombreuses monnaies frappées sur flan bruni, et il n’est pas rare de trouver des monnaies du XIX e qui sont MS66, MS67 ou MS68. De- puis de nombreuses années, les collectionneurs américains ont privilégié la qualité avant tout, étant donné qu’ils avaient le choix. De nos jours, un investisseur peut se présenter chez un expert américain qui le guidera et le conseillera. Vous avez aux États-Unis des professionnels qui disposent de pièces ex- ceptionnelles en termes de rareté et de qualité et vous pouvez vous adresser à eux directement. En France, la réalité est complètement différente ; les mon- naies disponibles sur le marché ne sont pas en général de très belle qualité. Pour vous en convaincre, il vous suffit de cher- cher à Paris chez les experts reconnus ou chez les profession- nels des monnaies du XIX e en qualité splendide ou FDC et on vous en proposera très peu, pour la simple et bonne raison qu’en fait il y en a très peu ! Dans ces conditions, il est prati- quement impossible pour un investisseur « averti » (qui a les compétences) d’acheter des monnaies françaises comme in- vestissement, à moins qu’il y passe de nombreuses années. Il y a, pour une personne qui veut placer de l’argent en nu- mismatique, des domaines bien plus porteurs et sûrs que les monnaies françaises, comme les monnaies grecques, ro- maines, les proofs anglaises… qui, elles, sont collectionnées dans le monde entier. Pour conclure, on peut dire qu’il y aura difficilement des in- vestisseurs sur le marché numismatique français, et si de nombreuses monnaies de qualité sont parties à l’étranger, elles ont été achetées principalement par des collectionneurs et non des investisseurs. Le fait que finalement il n’y ait pas d’investisseur est positif dans la me- sure où il n’y a pas de spéculation, ce qui expli- querait en partie les prix « relativement bas » que l’on constate pour les monnaies françaises rares et de très belle qualité. Par contre, le fait d’avoir des prix relativement « trop bas » n’est pas non plus positif dans la mesure où de nombreux collectionneurs étrangers sont dis- posés à payer plus cher que les collectionneurs français, d’où la raréfaction de monnaies de qualité en France. Yves BLOT DES INVESTISSEURS EN NUMISMATIQUE EN FRANCE ?

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