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Bulletin Numismatique n°198 20 A vec l’avènement de la République, c’est une figure féminine qui remplace le portrait du souverain sur les monnaies métalliques. Cette figure féminine coif- fée d’un bonnet phrygien incarne la liberté. Toutefois, le lien entre le bonnet de la Liberté et le bonnet phrygien n’est pas démontré. L’artiste peintre et historien A-E Gibelin, dans un petit ouvrage « De l’origine et de la forme du bonnet de la liber- té » publié en l’an IV [1795-796], écrit : « plusieurs de nos ar- tistes dans les peintures, la sculpture et les gravures se sont servis de la forme du bonnet phrygien pour décorer la tête de la liberté séduits par le galbe de ce bonnet de forme efféminée… rien n’est moins fait pour désigner la liberté que le bonnet phrygien et c’est une coiffure d’Asie… jamais la liberté n’habita ces contrées… À la vérité lorsque la forme semi-ovale du bonnet ordinaire est un peu plus allongée, la partie qui excède le sommet de la tête tombe en repli en avant ou en arrière. Alors cela imite assez la forme de la partie supérieure du bonnet phrygien ». Ces deux essais datés de 1791 et 1792 illustrent bien le pro- pos de Gibelin. En revanche, dans la Rome antique, le bonnet de forme ronde - le pileus - était mis sur la tête des esclaves lors de la cérémo- nie d’affranchissement. Les artistes, les érudits du XVIII e siècle n’ignoraient pas l’histoire de ce symbole. C’est le bon- net, de forme ronde sur une pique, que l’on retrouve comme attribut de la Libertas Americana, un projet de Benjamin Franklin pour célébrer l’Indépendance américaine, confié au peintre Esprit-Antoine Gibelin, finalisé par Augustin Dupré. La pique et le bonnet, les exemples de cette nature abondent dans l’histoire de l’antiquité. On connaît dans l’histoire de la Rome primitive cet épisode du sabin Herdonius s’emparant par une surprise nocturne du Capitole, et le jour venu, es- sayant de rassembler des forces en appelant les esclaves à la liberté par le signe compris de tous, c’est-à-dire en arborant un pileum ou bonnet au bout d’un javelot. Appien raconte qu’après le meurtre de César les tyrannicides parcoururent la ville en promenant par les rues un bonnet au bout d’une pique, pour appeler le peuple à la liberté. Bonnet-coiffure mais aussi bonnet-emblème. 114 ans avant la Révolution, la révolte du papier timbré dite révolte des Bon- nets rouges (1675), démarrée la révolte du papier timbré, démarrée dans les villes de France, gagne et s’amplifie dans les campagnes bretonnes. Les paysans, en signe de ralliement et de révolte, portent un bonnet. Le bonnet rouge est le signe de ralliement des insurgés du centre-ouest de la Bretagne (Poher) où Sébastien Le Balp lève une armée bretonne de 6 000 hommes. 30 000 autres volontaires bretons le suivent également sans armes. Les insurgés du Pays Bigouden (sud- ouest de l’actuel Finistère) portaient un bonnet bleu. On par- lait dans ces paroisses de révolte des Bonnets bleus. La révolte des bonnets rouges s’éteint tragiquement dans la répression. Pour bien des historiens (Boris Porchnev, Alain Croix) cette révolte a posé les bases de la Révolution de 1789. Le bonnet coiffure des pauvres des villes et des campagnes, du Jeannot des farces théâtrales (1779), personnage de Dorvigny qui por- tait le bonnet de laine rouge, personnification ridicule du peuple, le terme bonnet de laine est aussi utilisé pour désigner spécifiquement les gens du peuple, patriotes révolutionnaires actifs, quelque peu exaltés ; on parle par exemple des «bon- nets de laine» qui ont pris la Bastille le 14 juillet. Un journal parisien écrit le 13 juillet 1791 : « Ces braves citoyens du fau- bourg Saint-Antoine, vulgairement appelés bonnets de laine, s’honorent de cette dénomination glorieuse . » L’affaire de Nancy va mettre en lumière un autre bonnet, celui des bagnards, rouge pour les condamnés à une peine d’une durée limitée, vert pour les condamnés à la perpétuité. A-t-il eu aussi un petit rôle dans le symbole républicain au travers de l’affaire de la mutinerie de la garnison de la ville de Nancy, qui eut lieu pendant la Révolution française, du 5 au 31 août 1790. En 1790, des soldats en garnison à Nancy se sont révol- tés contre leurs officiers, qu’ils accusaient de voler une partie de leur solde. L’insurrection alerta Paris, qui décida de répri- mer la mutinerie dans le sang, avec un lourd bilan de 300 morts. Une partie des rescapés fut condamnée à la déten- tion au bagne de Brest. Devenus un enjeu politique au cœur de la Révolution, après avoir été défendus par les seuls Jaco- bins et Marat, l’opinion prend finalement le parti des insurgés après la fuite de Varennes. En 1791, Jean-Marie Collot d’Herbois défend les mutins qui ont été condamnés aux ga- lères et obtient leur réhabilitation. Les condamnés sont gra- ciés en 1792 par l’Assemblée législative, après une marche de 25 jours depuis le bagne de Brest. Ils reviennent à Paris, leur bonnet rouge de bagnard sur la tête, assimilé par la popula- tion parisienne au bonnet de la liberté. Ils sont reçus en LE BONNET SYMBOLE RÉVOLUTIONNAIRE

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