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Bulletin Numismatique n°197 27 C ’est sans aucun doute la monnaie anglaise en argent la plus convoitée par les collectionneurs du monde en- tier, et l’aura qui entoure cette pièce est unique, à tel point que cette monnaie a un nom propre, « the Petition Crown ». Cette monnaie n’a pas été émise pour circuler, c’est un essai frappé par l’exceptionnel graveur Thomas Simon en 1663. La « Petition Crown » est vraiment magnifique et d’une qualité de frappe tellement exceptionnelle que même de nos jours on ne fait pas mieux, c’est-à-dire plus de 350 ans après !! C’est la monnaie anglaise la plus chère et de loin devant la 5 pounds en or de la reine Victoria de 1839 ; il faut au mini- mum débourser un demi-million pour un exemplaire de qua- lité et il faut être très patient, car ce n’est pas tous les jours qu’un exemplaire apparaît sur le marché numismatique. Tous les exemplaires ont leur pedigree qui, en général, remonte jusqu’en 1800 et tous proviennent de collections illustres telles que celles de Hyman Montagu, John Murdoch… Avant de vous présenter cette monnaie, il faut tout d’abord remonter dans le temps et comprendre le contexte historique très compliqué de l’époque et les évènements liés au graveur Thomas Simon, pour comprendre la raison pour laquelle il a frappé cette monnaie et quels ont été les moyens utilisés. Tout d’abord, nous allons regarder comment les monnaies étaient frappées aux alentours de 1600 en Angleterre et pour cela, il faut chercher du côté de la France pour comprendre l’évolution. En Angleterre comme en France, on utilise la frappe au mar- teau et Nicolas Briot (médailleur français) vers 1620, essaie d’introduire la frappe au balancier (dont des essais avaient été faits auparavant) en remplacement de la frappe au marteau. Se heurtant constamment au conservatisme de la Cour des Monnaies et au corporatisme des ouvriers de la frappe au marteau, il quitte la France pour l’Angleterre en 1625. Après quelques travaux pour la couronne d’Angleterre, il devient chef graveur en 1628 de l’atelier de frappe, dont Edward Greene est le graveur en chef. Vers 1630, il est nommé res- ponsable par le roi d’Angleterre Charles I de la frappe des médailles et il installe ses machines à l’atelier de la tour de Londres. En 1634 et 1635, il est nommé graveur des coins et directeur de la fabrication des monnaies de l’Ecosse. Maintenant, regardons de près le contexte historique en An- gleterre qui à cette époque est très mouvementé. Le décès en 1603 de la reine Elizabeth, qui n’a aucune descen- dance, met fin au règne de la Maison des Tudor en Angleterre, laquelle est remplacée par la Maison des Stuart. En 1625, c’est Charles I qui est roi, mais le pouvoir étant partagé entre le roi et le Parlement, il y a de nombreux conflits et à partir de 1629, Charles I décide de gouverner sans le Parlement. En 1642 la guerre civile éclate et le Parlement s’empare de l’atelier de la Tour de Londres ; le personnel qui y travaille doit faire son choix entre le Parlement ou le roi. Le graveur en chef Edward Greene choisit d’être du côté du Parlement et Nicolas Briot, soi-disant fidèle au Parlement, fournit secrète- ment des poinçons au roi et cela jusqu’à sa mort en 1646 à Londres. Charles I est fait prisonnier et il est condamné pour haute trahison, il sera exécuté en janvier 1649. Un gouvernement se crée en 1649, connu sous le nom de Commonwealth jusqu’en 1653. À partir de cette date est créé un Protectorat avec Oliver Cromwell à sa tête et jusqu’à la mort de celui-ci en 1658 ; le Commonwealth prend fin en 1660 lors de la restauration de la royauté avec Charles II (fils aîné de Charles I), qui règnera jusqu’à sa mort en 1685. Après cette brève introduction historique qui est nécessaire afin de situer les différents différents protagonistes de ce sujet, on revient à la frappe des monnaies. Thomas Simon est né à Londres en 1618 et grâce à son talent artistique, il devient apprenti d’Edward Greene, le graveur en chef de l’atelier de frappe de la Tour de Londres en 1635. Bien qu’il travaille directement sous les ordres de Greene, son apprentissage est plutôt dû à Nicolas Briot qui travaille égale- ment à l’atelier de frappe. Il est logique de penser que Thomas Simon se rend compte de l’importance des machines de Ni- colas Briot et donc de la frappe au balancier. Le premier travail reconnu de ce jeune graveur est une mé- daille de 1639 qui commémore le traité de Berwick. Au début de la guerre civile en 1642, Simon restant loyal au Parlement, continue à travailler à l’atelier de la Tour. Simulta- nément, le roi Charles I nomme Thomas Rawlins (toujours loyal au roi) comme graveur en chef pour tous les ateliers de frappe de sa majesté. En 1644, Greene décède, laissant donc le poste de graveur en chef disponible et Thomas Simon, ain- si qu’un autre graveur, Edward Wade, partagent le poste de graveur en chef à la demande du Parlement. Nicolas Briot décède en 1646, ainsi qu’Edward Wade en 1648, et Thomas Simon devient alors graveur en chef en 1649. Le roi Charles I est exécuté en 1649 ; le Parlement décide alors d’enlever le portrait royal, ainsi que son blason sur le monnayage, ce qui donne naissance à une nouvelle monnaie, celle du « Commonwealth », qui est techniquement et artisti- quement loin d’être une réussite. THE PETITION CROWN SON HISTOIRE
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