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Bulletin Numismatique n°195 10 M arion Stef, Bruno Jané, Le monnayage DES PRINCES-ÉVÊQUES de Verdun . Catalogue de la collection du Musée de la Princerie à Verdun, X e -XVII e siècle, Gand, 2019. 15€. Réf. lm297. La glorieuse histoire, multiséculaire, de Verdun ne commence pas en 1916 et ne se réduit pas aux commé- morations périodiques d’une des plus grandes et meurtrières batailles militaires de tous les temps au cours de la Grande Guerre (1914-1918). Il existe aussi un autre Verdun , dont l’origine remonte à l’époque ro- maine où Verdun était un point de passage obligé sur la grande route romaine menant de Reims à Metz (la Divodorum des romains). La cité verdunoise entre dans l’histoire par la grande porte lorsque le traité de 843, dont elle accueille les signataires, partage l’empire de Charle- magne entre ses successeurs. Comprise au départ dans le royaume des Francs, la ville et son territoire seront finalement rattachés à l’empire jusqu’au milieu du XVII e siècle. Le comte de Verdun, vassal de l’empereur, est l’évêque, prince du Saint Empire Romain Germanique et le territoire verdu- nois se confond avec celui de l’évêché éponyme. L’empereur suzerain est loin : les évêques-comtes de Verdun seront rapi- dement maîtres de fait du territoire verdunois. Leurs émis- sions monétaires attestent de leur pouvoir et de cette évolu- tion. Leurs premières monnaies sont au double nom de l’empereur et de l’évêque, mais rapidement elles ne montrent plus que le nom du seul évêque. En 1648, le traité de Münster en Westphalie met fin à cette situation de large autonomie, quasi équivalente à une indé- pendance de fait. Il consacre l’incorporation de la ville et de l’évêché de Verdun à la France, rattachement préparé par un siècle de protection militaire française (1552-1648). Dès la fin des guerres de religion en France, le roi Henri IV s’efforce de transformer cette protection militaire, qu’il exerce en tant que vicaire d’Empire , en un protectorat politique mettant en cause les droits régaliens des princes-évêques de Verdun, ceux de rendre la justice et de battre monnaie notamment. Louis XIII accentue cette pression qui devient de plus en plus contraignante, notamment à partir de l’occupation de la Lor- raine ducale et de la création du Parlement royal de Metz en 1633. Le traité de Münster n’innove pas : il vient finalement confirmer, sur le plan juridique, une occupation-rattache- ment d’intégration de l’évêché de Verdun dans le royaume de France assurée à partir de 1633. De cette longue histoire, la ville de Verdun possède trois té- moins prestigieux, antérieurs aux souvenirs de la Grande Guerre de 14-18. Le premier est sa belle cathédrale, de style original (germanique), la plus grande des cathédrales romanes de France. Remarquablement restaurée après 1918, elle a livré à cette occasion des constructions et sculptures jusqu’alors inconnues. Le deuxième est le magnifique palais épiscopal qui jouxte la cathédrale. Chef-d’œuvre du grand architecte Robert de Cotte, il est un des plus beaux bâtiments du XVIII e siècle. Il abrite aujourd’hui le Centre mondial de la paix , créé en 1993, dans ce cadre somptueux et symbolique, Verdun étant un lieu privilégié pour célébrer la paix après les ravages des deux guerres mondiales du XX e siècle. Le troisième est le Musée d’Art et d’Histoire de Verdun . Il est couramment appelé Musée de la Princerie , du nom du bâti- ment d’époque Renaissance dans lequel il a été installé en 1932. Malgré sa taille réduite par rapport au Musée de la Cour d’or de Metz-Métropole, c’est un remarquable musée qui té- moigne de l’évolution historique de Verdun depuis l’Anti- quité, à travers les riches collections variées qui y sont expo- sées. Les monnaies ne sont pas absentes de celles-ci. Avant les pertes liées aux deux guerres et aux déménagements successifs des musées antérieurs à 1932, on en comptait plusieurs mil- liers. Cette magnifique collection était largement le fruit d’un travail acharné fourni pendant plusieurs décennies par un érudit qui était un remarquable connaisseur : Félix Liénard (1812-1894). Archiviste de la ville de Verdun, conservateur du musée pendant quelque quarante ans jusqu’à sa mort (1853-1894), F. Liénard enrichit considérablement la collec- tion numismatique par des achats judicieux complétés par des nombreux dons. Outre le catalogue de celle-ci qu’il dressa avec soin, il écrivit en 1889, à l’âge de 77 ans, un ouvrage complétant celui de l’académicien Pierre-Charles Robert paru en 1885. Sa Monographie de la Numismatique Verdunoise est encore, de nos jours, l’ouvrage de référence pour l’étude des monnaies de Verdun, nonobstant l’ouvrage de Dominique Flon paru en 2002. Parmi les monnaies qui ont échappé aux pillages, Marion Stef, directrice du Musée de la Princerie, et Bruno Jané, consultant numismatique ayant activement participé à la ré- daction de l’ouvrage L’Or de Metz (3 vol., 2017-2020), livre récompensé en 2019 par le prix Babut décerné par la Société française de numismatique, ont isolé 86 monnaies et 6 jetons qui constituent aujourd’hui la collection de numismatique verdunoise conservée au Musée de la Princerie. Il s’agit d’une remarquable série, dans laquelle une monnaie d’or mérovin- gienne frappée à Verdun (600-675) et six monnaies carolin- giennes, également frappées à Verdun, de Pépin le Bref à Charles le Simple (752-929), précèdent le monnayage épisco- pal, riche de 79 monnaies et 6 jetons. Comme pour les sept premières monnaies, mérovingiennes et carolingiennes, le catalogue de ces monnaies épiscopales, ré- digé par Bruno Jané, est très soigné. Il débute par les pre- mières monnaies épiscopales connues, celles d’Haimon, le 38 e évêque de Verdun (98-1024), qui bat monnaie aux deux noms, celui de l’empereur Otton III (996-1002) et le sien. Puis suivent les monnaies de Rambert, le 39 e évêque (1024- 1039) avec le nom conjoint de Conrad II (mêmes dates) suivi par le 40 e évêque Richard I er de Granpré (1039-1046) avec l’empereur Henri III (mêmes dates). Avec Thierry, le 41 e évêque de Verdun (1046-1089), la monnaie épiscopale s’af- franchit de l’empereur dont le nom disparaît : désormais l’évêque monnaye seul. C’est le cas de Richer de Briey, 42 e évêque (1089-1107), suivi d’un monnayage éponyme du XII e siècle jusqu’à Henri de Winchester, 44 e évêque (1117- 1129) et Albéron de Chiny, 46 e évêque (1131-1156). Après une interruption de plus d’un siècle, les émissions mo- nétaires reprennent sous Henri d’Apremont, 67 e évêque (1312-1350) qui imite le roi de France. Il est suivi de Hugues de Bar, 69 e évêque (1351-1361). Après une nouvelle inter- ruption, le cardinal Louis de Bar, 75 e évêque (1419-1430) et son successeur Louis de Haraucourt, 76 e évêque (1431-1437 et 1449-1456) reprennent les émissions qui cessent de nou- veau à la fin du Moyen Âge. C’est durant la période de protection française (1552-1648) que le monnayage des princes-évêques de Verdun renaît. LE COIN DU LIBRAIRE, LE MONNAYAGE DES PRINCES-ÉVÊQUES DE VERDUN

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